lundi 9 avril 2012

Gorilles dans la brume... (2/2)

 La photo n'est pas de nous, on n'a pas eu le temps, mais c'était le même, un splendide gorille argenté, je vous raconte pas la peur que j'ai eue !
 Alors voilà. Je reprends le récit de notre trépidant voyage dans le Nord-Est, que j'ai coupé en deux parce que sinon, c'était trop long. Et pis, faut du suspense ma bonne dame ! Je vous ai gardé le meilleur pour la fin, la rencontre avec des gorilles !

Makokou
Tous les villages ressemblent à celui-ci
Pour arriver à Makokou, nous avons fait du taxi brousse, du covoiturage en quelque sorte. Il y a très peu de voitures, peu de bus, et c'est un frère et sa soeur de retour d'un mariage à Libreville qui nous prennent dans leur voiture, avec un bûcheron. Nous faisons près de 7 h de route avec eux, dans la bonne humeur, ils se chamaillent : la soeur pense être une meilleure conductrice que son frère, qui dit la même chose de lui. A un moment, ils s'arrêtent dans un village acheter "une viande" comme ils disent (tout animal est une viande !), en l'occurrence une cuisse de sanglier, suspendue sous un petit porche. Le prix ne convenait pas à notre conductrice qui s'est emportée. Le bûcheron lui en rentrant dans la voiture dira qu'on ne lui a même pas donné de l'eau, sans doute à cause de la transaction qui a mal tourné. "Maudit village !" disent-ils en choeur en repartant; on a été pris d'un fou rire ! l'impression d'être à une autre époque...
Gamins au bord de la route


Une jeune fille pensive sur un banc de Makokou (des buts gonflables installés pendant la Coupe d'Afrique)

La mission catholique de Makokou
 
Le lendemain de notre arrivée à Makokou, petite ville plongée dans la verdure, nous nous sommes rendus à la Mission Catholique, un endroit bucolique avec vue sur un lac, qui a deux chambres pour héberger des voyageurs. Nous étions venus la veille au soir, la chambre n'était pas faite, on nous avait dit de repasser le lendemain. Mais quand nous sommes arrivés, c'est pour nous entendre dire que seul le Père avait les clés de la chambre et qu'il officiait à un enterrement ! On a demandé aux gens de la réception où on pouvait laver notre linge en attendant, ils nous ont dit comme un seul homme : « Dans le lac ! »
Pour la première fois, Francesco était découragé : cela faisait beaucoup ! Moi je me suis activée au petit lavoir, comme les femmes des villages, retrouvant les gestes ancestraux de nos grands-mères ! Francesco a pris son bouquin, et m'a conseillé de ne pas rester les pieds dans l'eau tout de même, on ne sait jamais ce qui peut s'y trouver !!
En fait, on découvrira le lendemain qu'il y avait une super buanderie avec eau courante à la Mission, mais personne n'en avait les clés donc ils n'en ont pas parlé...enfin, pour le lien de causalité, c'est ce qu'on s'est dit pour qu'il y ait une logique ! Parfois il est inutile de chercher ici à comprendre le pourquoi du comment.

Le Parc d'Ivindo
L'après-midi, nous rencontrons Joseph qui est le conservateur du Parc d'Ivindo. Il dirige une trentaine d'hommes. Dans son bureau, il a des carabines confisquées, des défenses d'éléphants. En effet, il y a beaucoup de braconnage et beaucoup de trafic d'ivoire, toujours très prisée en Asie. C'est par milliers que sont tués les éléphants. Une défense, cela représente 50 euros au kilo, bref une fortune ici. On organise vite fait notre séjour au Parc.
Nous partons le lendemain, avec trois guides, sur une pirogue à moteur creusée dans un tronc d'arbre.
Nous mettrons 3 heures pour arriver au campement. La traversée est splendide. Il y a des petits rapides. On voit des oiseaux, des singes, des plantes d'eau, de grands arbres. Ça ressemble au paradis !


Nous sommes tout seuls dans le campement. Nous sommes logés dans une cabane toute neuve ; les autres commencent à moisir, l'humidité fait de sacrés ravages sur les habitations...
C'est là que les guides nous disent pas embarrassés du tout : « On a plus d'huile à pétrole pour les lampes. Vous avez une lampe torche ? » Super ! ç' aurait été bien de le dire avant, les gars !... Vous comprenez pourquoi on pense que le tourisme ne risque pas de se développer au Gabon ? Ça va qu'on est prévoyants : nous l'avions dans notre sac à dos, cette précieuse lampe torche... Eux-mêmes n'en avaient qu'une pour eux, et pas une seule bougie au cas où. La prévoyance n'existe pas ici, c'est ainsi. Dans le même ordre d'idée, le premier soir, ils nous serviront à manger comme si on était quatre (deux cuisses de poulet chacun, du riz, des bananes plantain délicieuses, on a pas pu tout finir tellement il y en avait !!), et le lendemain, on a eu au contraire un sandwich sec avec du maquereau en boîte. C'est ainsi.

Les cascades

On a adoré les cascades. Il faut dire que les chutes de Kangou sont les plus célèbres d'Afrique centrale !  Et encore, un ami qui est dans l'aviation nous a dit que les plus belles ne sont visibles que du ciel... L'une d'elle, en contrebas de notre camp, était notre salle de bain privée ! Ah oui, j'ai oublié de dire : on découvre en arrivant qu'il n'y a que des toilettes sèches et pas de douche prévue dans le tarif pourtant élévé; "c'est l'Afrique !", expression, je le précise, employée aussi par les Africains, quand quelque chose ne marche pas... Faut dire qu'on en a profité parce qu' on était tout seuls. Et on s'est pris pour Tarzan et Jane, nous lavant dans la cascade, Tchita en moins.  Mais pas pour longtemps...
Pas mal la salle de bain intégrée !
Rien de tel qu'un bon bain !


Gare au gorille !

Alors voilà le moment que vous attendez tous : notre rencontre avec les gorilles.
Après la balade pour voir les cascades, on avait une après-midi de libre. Francesco a alors proposé au guide d'aller en forêt à la recherche des animaux.... On n'a pas été déçus ! A la fin de la balade, Francesco a aperçu dans le fossé qui longeait notre chemin un gros boa immobile complètement lové. En fait il était en train de digérer (on voyait une nette protubérance) ce qui fait qu'il ne bougeait absolument pas. Le guide lui a jeté un bout de bois dessus pour que lentement il se déplace. C'est un beau morceau de 2 mètres de long !
Si les serpents ne m'impressionnent pas,  ce que j'ai vu après m'a vraiment marqué.

On allait rebrousser chemin (pourquoi est-ce toujours à ce moment-là que les choses se passent ??), quand Francesco a dit : " Allons jusqu'en haut de la butte pour voir au-delà". Arrivés en haut, le guide nous arrête d'un geste : "Des gorilles, là !" On ne voyait rien. On était accroupis, pas vraiment cachés puisqu'on était sur la route des Chinois. Ces derniers, très actifs en Afrique, comme partout ailleurs, avaient, il y a quelques années, le projet de construire un barrage électrique; mais le projet n'a pas été accepté, pour des raisons écologiques (il doit y avoir pour cela d'autres raisons moins consensuelles, mais on n'en parle pas). Et là, à trente mètres, je devine la forme de deux petites têtes dans les branchages. "Une mère et son petit". Jamais bon, ça, un petit. Les animaux veulent toujours le défendre... Je vois une main qui écarte les branches. Ouah, c'est émouvant : ils nous observent comme on les observe...
Vous ne voyez rien, et c'est normal. Les gorilles sont cachés derrière les buissons situés en plein milieu de la photo.

Tout à coup, quelques mètres plus près  de nous, un mâle surgit l'espace d'un instant : il sort de la forêt en sautant et y retourne d'un rebond ! J'ai pu voir tout son corps en extension, son torse argenté, et incroyablement musclé, la force à l'état brut !

Hélas, cet instant sublime se transforme aussitôt en frayeur car le guide nous dit alors : "Il est méchant !" Qu'est-ce que cela signifie "il est méchant" ? Qu'il va nous attaquer ?! Que doit-on faire ?! On ne sait rien. Le gorille dans la forêt pousse un hurlement super effrayant. Sur ce, la mère traverse avec son petit sur le dos, le guide dit à Francesco : "Filme !" Francesco, avec son polo rouge (excellente idée pour aller voir les animaux de la brousse !) se lève et ne voit rien. Moi, inquiète que le papa gorille refasse son apparition pour nous donner une bonne correction, je dis : "Bon on va peut-être y aller, là, c'est bon on les a vus !"

On se lève et on rebrousse chemin. Pendant que je me demande si le papa gorille ne nous suit pas, le guide (qui est un ancien chasseur, n'a jamais eu la moindre formation pour être guide, et n'est pas un grand psychologue ) a alors la riche idée de nous raconter tous les pires trucs sur les histoires de gorilles :
" Si tu t'enfuis, le gorille il t'attrape par les pieds, et il te déchiquette comme ça" ( en même temps, il mime le gorille qui t'attrape par les pieds et te déchiquette).
" Alors moi, au village, mon oncle (frère ou oncle ne veulent pas dire frère ou oncle comme chez nous, c'est des personnes du village), il s'est fait enlevé par un gorille. Mais la nuit le gorille s'est endormi, et quand le gorille dort, on peut faire tout ce qu'on veut; alors mon oncle, il s'est enfui....

Aussitôt, je me mis à penser à King Kong, sauf que la jeune femme enlevée, c'était moi !! On aurait ri de bon cœur s'il nous avait raconté tout ça le soir, à l'abri, au coin du feu de camp, mais là, avec le gorille juste derrière nous.... c'était juste flippant ! Moi j'étais en train de me dire : "Qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi on va sur leur territoire ? Pourquoi faut-il qu'on vienne chercher les ennuis ??"
On cherchera après à en savoir davantage et à démêler le vrai du faux. Il est vrai que chaque année des touristes se font tuer paraît-il par une baffe de gorille.
J'étais en même temps heureuse d'avoir eu la chance de les voir, car c'est très rare.
Mais le soir-même, je dis à Francesco que la dernière balade, ça serait sans moi : j'avais la trouille !! Heureusement, le lendemain, mes craintes s'étaient évanouies...

La dernière balade s'est passée sans rencontre animale, à discuter avec nos guides. Ces anciens chasseurs ont beaucoup perdu avec l'avènement des parcs nationaux, car désormais la chasse y est interdite. Leur salaire de guide est dérisoire (la moitié du salaire minimum : 80.000 CFA, soit 70 euros), avec une petite prime quand viennent des touristes; désormais, il leur faut un mois de travail pour avoir cette somme qu'ils gagnaient en tuant deux sangliers. On comprend que le braconnage continue... Le pourboire que nous leur laisserons sera, selon leurs dires,  effectivement un "pour boire" : les hommes adorent les "jus" comme on dit ici, la bière, en  numéro un, et tous les sodas, qui coûtent très cher, le prix d'un plat, ce qui n'empêche hélas pas leur consommation, parfois préférée à la nourriture. L'alcool fait des ravages dans le monde entier chez les pauvres gens, les privant de l'essentiel, pour eux et leur famille. Et comme d'habitude, la somme astronomique de nos deux jours (600 euros pour nous deux, avec un confort tout relatif, vous l'aurez compris) dans le parc est destinée à payer... le gasoil pour la pirogue. Un comble pour un pays si riche en pétrole.


Le retour : panne bis, et rencontre providentielle
Gare routière de Makokou, 2h d'attente seulement
Après avoir attendu seulement deux heures le départ du bus (on s'habitue), c'est parti pour le retour pour la capitale. Le bus n'est pas de première jeunesse. Et quand le chauffeur s'arrête aux postes de police (présent à l'entrée de chaque bled), c'est Francesco, assis à côté de lui, qui met le pied sur le frein car il n'y a pas de frein à main ! On se sent en sécurité !

Nous avons expérimenté notre deuxième panne (la première étant dans la savane, près de Gamba, dans le sud, à Noël), après 4h de route sur la piste Makokou-Larara, sachant qu'il nous manquait encore 8h (au bas mot) pour arriver à Libreville. Cette fois-ci, ce n'était pas le radiateur qui fuyait, mais carrément la suspension qui a pété ! Quand on voit l'état de la route, l'âge du bus, son chargement excessif, son absence d'entretien, on ne pouvait pas s'en étonner. Il faut noter que les gens paient tout de même 17.000 CFA , soit 30 euros pour voyager dans de telles conditions !! Le chauffeur ne pouvait pas y faire grand-chose, mais il s'est quand même affairé.
Le coup de la panne (bis)- on était plus de 20 dans ce petit bus...
C'est alors que notre ange gardien est intervenu une fois de plus (il est très sollicité!), à peine 10 minutes après la panne, sous une forme plus qu'inattendue.
On venait de s'installer à l'ombre, nous préparant pour de longues heures d'attente, quand deux 4x4 sont passés. Moi je n'ai pas réagi mais les gens autour de nous nous ont dit : "Allez vous présenter, ce sont vos frères !" Nos frères, c'est-à-dire des Blancs ! Je ris encore à cette phrase en y repensant. 
Le deuxième 4x4 a fait marche arrière et en est sortie... la même famille de militaires que l'autre fois, à Noël, dans le sud près de la côte !!
"- Elle est où la caméra cachée ??!!"
 On a rigolé. Et on a remercié notre chance, car leurs amis avaient de la place derrière... ça nous a fait de la peine de planter tout le monde comme ça, mais bon, c'est ainsi, on n'allait pas rester là ! On est arrivés à 20 h à Libreville, tout fourbus. Je n'ose pas imaginer à quelle heure et dans quel état de fatigue ont bien pu arriver les autres passagers...

Voilà, le voyage à l'est du Gabon, c'est fini. Mon aventure aujourd'hui, depuis deux semaines, c'est mon nouveau boulot : je dois de trouver des clients étrangers expatriés (il y a ici des Brésiliens, des Américains, des Chinois, etc. ) pour mettre en place des cours de français pour le compte de l'Institut Français du Gabon. Bref, la vie civilisée quoi. Mais il m'arrive de repenser parfois à la brousse, et à mon gorille argenté et à sa petite famille, là-bas dans la forêt...

A plus !
Et pour vous souhaiter de Joyeuses Pâques, une pancarte... très inspirée à méditer!


jeudi 15 mars 2012

Gorilles dans la brume et Pygmées dans la brousse (1/2)

Dans un village pygmée, près de Minvul, au Nord du Gabon
Alors voilà. Dans la série de nos vacances au Gabon, voici le Nord et le Nord-Ouest ! Au menu, il y a notre visite dans trois villages de Pygmées, et la rencontre avec un gorille argenté, excusez du peu !!


Back home baking*
(*trad. "De retour à la maison, faisant des gâteaux", - ça sonne moins bien !)
Cette fois, j'ai pris un mois de retard. C'est dur de parler de vacances dans la brousse quand on est dans la ville ! Et puis, je suis dans ma recherche de boulot qui devrait donner quelque chose incessamment sous peu... Et il était temps car en ce moment, pour la première fois de ma vie, je fais des gâteaux tous les deux jours ! Même si c'est une vraie satisfaction de faire de bons gâteaux, surtout que les autres en profitent aussi, je me dis qu'il est temps que je retravaille car à ce train-là, je vais tourner à la Bree Van de Kamp, la parfaite ménagère de Desperate Housewives !
Oui, je sais, ça fait peur ! On sent qu'à tout moment, elle peut vous envoyer sa tarte à la figure !
 Mais revenons à l'objet de ce post : le récit de notre voyage !

Le tourisme façon Gabon
Avec ces deux voyages de 15 jours, le premier au Sud, et le deuxième au Nord, il ne nous manque plus que Port-Gentil, capitale économique accessible en bateau, et Franceville, accessible en 10 h de train, à voir comme grandes villes.
Mais peu importe, car le plus intéressant, c'est ce qu'il y a au-delà des routes, et là, ça demande que l'on prenne le temps, et que l'on dorme dans des villages par exemple. Nous avons rencontré un couple qui le fait avec leur fils adolescent et cela nous a donné envie de tenter l'expérience la prochaine fois ! Par contre, on n'ira pas forcément à la chasse avec les gens du village : ils nous ont raconté comment ils se sont retrouvés dans une battue aux sangliers, avec tout un troupeau de sangliers qui courait vers eux !
Comme d'habitude, nous avons pris les transports en commun, ce qui fait de nous des cas à part parmi les « Blancs » qui voyagent, qui privilégient pour la plupart le 4x4 à deux voitures (pour se secourir en cas de panne), ou l'avion. Et comme on les comprend ! Vous comprendrez vous-mêmes dans le 2ème épisode.
Tout au long de notre voyage, nous avons vu peu de voyageurs, le Gabon n'est vraiment pas un pays touristique, et maintenant, on sait pourquoi ! Cela reste cher pour un confort très sommaire. On a dépensé dans les 500 euros chacun en 12 jours (3 jours dans un parc naturel, c'est déjà 250 euros chacun !), et quand je parle de confort sommaire, je suis gentille !
Pour 20 euros, ce qui n'est pas une petite somme ici, on a parfois vu dans notre chambre d'hôtel des murs crasseux, des sols pas lavés, robinets qui fuient. Le mieux c'était à Minvul : il y avait un trou dans le mur qui donnait sur la baignoire. Quand le gérant ouvrait l'eau, l'eau coulait ! Donc il fallait récupérer l'eau à l'aide de seaux pour pouvoir se baigner debout dans la baignoire... voilà, niveau hygiène, on repassera !

Le Nord : Ndjolé et Bitam


Vue de Ndjolé de l'église

Notre auberge (oui, la fresque c'est bien un Nain devant un chaudron !)

Room with a view
Première nuit à 4h de Libreville, à Ndjolé, petite bourgade situé au bord du fleuve. Le lendemain, on a voulu traverser le fleuve pour aller visiter une mission catholique en ruine sur l'île d'en face (seule balade indiquée sur notre guide). Mais les piroguiers nous ont dit qu'il fallait qu'on achète une machette car ils n'en avaient pas (dans la brousse, même les enfants ont une machette, mais eux, non !). On a dit qu'on se voyait pas trop acheter une machette pour faire juste une petite balade.
"Vous voulez pas demander à un de vos amis ?
- Non on peut pas, on travaille".
Si travailler revient à parler avec ses potes, eh bien c'était exact, ils ont repris leur travail ! Bref, ils n'étaient pas motivés. Soit.
Impressionnants grumiers... Les grumes seront débités et partiront pour l'exportation...
Vue sur Bitam

A Bitam, tout au Nord, près de la frontière avec le Cameroun, on a bien aimé l'ambiance gros village.


En pleine rue, des frigos hors d'usage sont entassés...


Ah, c'était pour éviter le passage des voitures et signaler qu'il y a un incinérateur de déchets en plein centre ville... Tout s'explique !

Marché de Bitam
Vue de notre chambre. Coquet n'est-ce pas ?
Ce jeune homme a voulu qu'on le prenne en photo ! J'adore cette photo.
Ancienne maison coloniale, à Bitam
On est allés dans un restaurant qu'on nous avait recommandé (cf la carte ci-contre, tous les animaux de brousse y sont; il y en a même un qui avait un nom spécial, c'est le 4ème en partant du bas, à gauche...).
Lacoste... Vous avez deviné ? Bah, oui, facile : c'est du crocodile !
On y a passé un bon moment avec des papys qui  jouaient à un jeu avec des billes qui s'appelle le sango. L'un d'eux, un gendarme à la retraite, avait fait la guerre d'Indochine, et avait la gorge entaillée de part en part. Comme j'étais en train de lire L'Art Français de la Guerre qui parle justement de cette guerre, je lui aurais bien posé des questions, mais l'occasion ne s'y prêtait pas trop...

On dirait pas sur la photo, mais ils étaient vraiment gentils
On a rencontré aussi un journaliste catalan qui faisait un reportage sur l'homosexualité en Afrique. Il ne rencontrait des gens que sur recommandation, car c'est un sujet tabou, l'homosexualité étant toujours jugée contre nature.
Quand on lui a dit qu'on avait un contact pour visiter des villages de Pygmées, il nous a dit en riant que si on rencontrait un Pygmée homo, il voulait bien l'interviewer !

Minvul : visite de trois villages pygmées
Pour aller à Minvul, on a dû redescendre de Bitam à Oyem (Francesco a parcouru toute la ville pendant que j'attendais le bus avec nos sacs à dos) puis remonter vers la frontière, la route Bitam-Minvul étant trop mauvaise.
Enfants jouant près de notre hôtel à Minvul
 Encore une fois, toutes ces villes nous font l'effet de gros villages car les maisons sont très espacées (ils auraient tort de se serrer, le pays fait la moitié de la superficie de la France et les Gabonais ne sont qu'un million et demi!) et il y a beaucoup de verdure, de collines...
On avait le contact d'un guide à Minvul qui fait partie d'une ONG qui défend et fait connaitre la culture des Pygmées.
Minvul

Pourquoi défendre les Pygmées ? Parce qu'ils ont été longtemps (et certains pourraient bien l'être encore) esclaves des Fangs, une des ethnies majoritaires au Gabon, qui les faisaient travailler la terre et chasser pour eux quasiment à l’œil... Aujourd'hui, ils ont quitté la forêt ou presque (un des villages étaient à une heure de la ville à pied), mais ils ne vont toujours pas à l'école, ils ont une culture de nomades (ils vivaient essentiellement de la chasse et changeaient de camp quand ils ne trouvaient plus de gibier...).

Nos deux guides étaient fort sympathiques : l'un avait fait des études, parlait des Pygmées avec des étincelles dans les yeux : "Ils sont si intelligents, si gentils". L'autre c'était les bras, l'instinct, il disait ou faisait tout le contraire de ce que disait l'autre. Si le premier disait que la viande de brousse était interdite à la chasse,  le deuxième en commandait. Si l'un parlait de l'intelligence des Pygmées, l'autre nous disait qu'il faut parfois les frapper pour qu'ils comprennent !! Mais ce dernier était néanmoins très proche d'eux et c'était aussi l'interprète le plus passionné que j'aie jamais vu, voulant traduire le moindre mot, avec des gestes !
Enfants pygmées (vous remarquerez que les poses des enfants sont les mêmes partout dans le monde !)

Nous avons visité trois villages pygmées. Les deux premiers étaient très proches de Minvul. Dans le premier village, nous avons passé au moins 3 heures. C'était très sympa. Francesco avait amené son petit album de photos de France (la campagne, Paris, des marchés, des rues...) pour qu'on puisse échanger. Une femme parlait français, alors on a pu discuter un peu. Sa petite fille, sourde et muette (celle qui suce son pouce sur la 1ère photo) était très vive, très curieuse. Sa mère lui disait pour blaguer qu'elle allait partir en France, et la petite faisait "non" de la tête !
Nous avons parlé longuement en aparté avec le guérisseur (à gauche sur la photo). Le jeune en T-Shirt rouge devant moi est le dépositaire de son savoir sur les plantes.

Comme le veut la tradition, chaque visiteur doit payer un coup à boire. J'ai dit à la femme, Anne, qui se servait allègrement du gin :"Eh attention, c'est pas de l'eau !" Elle a ri. En fait, cela nous fera moins rire quand dans le dernier village, un Français, qui a depuis un an pour projet de construire une école pour le village, nous a expliqué que l'alcoolisme faisait des ravages, chez les hommes, qui mourraient jeunes, et chez les femmes. Nous avons alors dit à nos guides que nous ne souhaitions pas participer à cela, et que  que la prochaine fois, d'autres cadeaux (riz, lait en poudre, etc.) seraient bienvenus même si les gens seraient peut-être mécontents au début de ne pas avoir leur "jus" (c'est ainsi qu'on appelle toute boisson qui n'est pas de l'eau; ils adorent aussi les sodas).
Enfants rentrant au bercail avec leur machette

En plus, dans ces villages,  nous avons vu pour la première fois des enfants avec le gros ventre de la malnutrition (ce n'était pas le cas dans les villages que nous avons traversés; évidemment, cette remarque n'a pas de valeur scientifique, la pauvreté est grande dans la majeure partie des campagnes, et il est difficile de juger si les enfants sont bien nourris ou pas). En tout cas, on a appris qu'un enfant était mort de malnutrition dans le troisième village, à l'âge de 1 an.
Et c'est fou, car de l'argent, ils en ont, grâce à l'argent de la chasse. Et s'ils ne chassent plus avec la lance (celle, ancienne, que tient le monsieur, qui est le guérisseur, à gauche de la photo), mais au fusil, ils demeurent de grands connaisseurs de la forêt.
Enfant jouant avec un bout de bois et un carton.
En plus, ce qui est fou aussi dans ce pays c'est que tout pousse avec une grande facilité : vous jetez une peau de banane, un arbre pousse ! il y a même du manioc sauvage. Donc la malnutrition, ça paraît incroyable dans ce contexte. Mais on vous répond que ce n'est pas la tradition au Gabon de cultiver (mais il y a de petites plantations vivrières un peu partout tout de même), et que c'est encore moins le cas pour les Pygmées qui, dans leur tradition, ne cultivent pas, enfin, pas beaucoup. Comme je l'ai dit dans le premier post, les fruits et légumes sont en grande partie importés du Cameroun (qui lui, n'a pas de pétrole, et a la tradition, sûrement liée à la simple nécessité, de cultiver).
D'ailleurs, dans le troisième village, l'ambiance n'était pas très détendue, et nos guides nous ont dit que les femmes s'étaient plaintes que le chef du village avait gardé tout l'argent pour les hommes (sous-entendu pour acheter de l'alcool) et que les femmes n'avaient rien eu. Même si nous ne pouvons pas intervenir dans ce genre d'injustices, le fait de donner de la nourriture éviterait au moins de les créer.
Il faut marcher une heure dans la forêt pour arriver au 3ème village pygmée
Négociations pour la traversée en pirogue (on paiera malgré tout 15 euros pour un AR de 5 min !)
 
La traversée du fleuve, bordé de palmiers, est magnifique
Une jeune femme, venue de la ville pour voir le guérisseur, lave son linge dans la rivière
Hutte traditionnelle des Pygmées Baka, faite par les femmes, à l'aide de branches et de feuilles
Eh oui, on peut tenir debout dans la hutte !`
Ce qu'on appelle le "corps de garde" : lieu de réunion, d'accueil des hôtes...
Maisons du village
Seuls les initiés peuvent franchir ce rideau en rafia, derrière lequel se trouve l'esprit de la forêt nommé "Edzengue"
J'ai parlé de la visite de trois villages, mais je n'ai pas encore parlé du 2ème village pygmée, où nous n'avons fait que passer; c'était la nuit, nous n'avions pas nos vêtements imprégnés contre les moustiques, et donc nous ne voulions pas nous attarder.
Notre guide nous a dit : "Ils sont déçus, ils vous attendaient (i.e. ils attendaient aussi qu'on leur paie un coup à boire, ce que l'on fera...)". C'est là que j'ai vu arriver vers nous, dans la pénombre car il n'y avait que quelques lampes à pétrole qui éclairaient le village, trois personnes âgées, vraiment toutes petites, qui nous ont embrassés chaleureusement. C'était émouvant.

Finalement, on ne passera qu'une demie-heure avec eux, dans le corps de garde où tout le village, avec les enfants, s'est réuni, à la lumière d'une unique lampe à pétrole. C'était assez étrange comme atmosphère, très amical, mais on ne savait pas quoi dire, comme ça, à brûle-pourpoint, il faut du temps. Un homme qui ressemblait à Baracuda, donc genre super viril, portait une robe et un bébé dans ses bras. Je me suis dit : "Tiens, c'est peut-être un Pygmée gay !" J'ai posé la question au guide (sur le port de la robe, pas s'il était gay !), il m'a dit : "C'est un chasseur. Il a beaucoup chassé, alors comme son pantalon le gêne, il a mis une robe". Bah oui, quoi de plus naturel !

Voilà, au revoir les villages Pygmées, bonjour les gorilles... mais pour ça, il faudra attendre le prochain épisode (allez, patience, il est presque prêt, ce ne sera pas long...) !
A plus !