jeudi 15 mars 2012

Gorilles dans la brume et Pygmées dans la brousse (1/2)

Dans un village pygmée, près de Minvul, au Nord du Gabon
Alors voilà. Dans la série de nos vacances au Gabon, voici le Nord et le Nord-Ouest ! Au menu, il y a notre visite dans trois villages de Pygmées, et la rencontre avec un gorille argenté, excusez du peu !!


Back home baking*
(*trad. "De retour à la maison, faisant des gâteaux", - ça sonne moins bien !)
Cette fois, j'ai pris un mois de retard. C'est dur de parler de vacances dans la brousse quand on est dans la ville ! Et puis, je suis dans ma recherche de boulot qui devrait donner quelque chose incessamment sous peu... Et il était temps car en ce moment, pour la première fois de ma vie, je fais des gâteaux tous les deux jours ! Même si c'est une vraie satisfaction de faire de bons gâteaux, surtout que les autres en profitent aussi, je me dis qu'il est temps que je retravaille car à ce train-là, je vais tourner à la Bree Van de Kamp, la parfaite ménagère de Desperate Housewives !
Oui, je sais, ça fait peur ! On sent qu'à tout moment, elle peut vous envoyer sa tarte à la figure !
 Mais revenons à l'objet de ce post : le récit de notre voyage !

Le tourisme façon Gabon
Avec ces deux voyages de 15 jours, le premier au Sud, et le deuxième au Nord, il ne nous manque plus que Port-Gentil, capitale économique accessible en bateau, et Franceville, accessible en 10 h de train, à voir comme grandes villes.
Mais peu importe, car le plus intéressant, c'est ce qu'il y a au-delà des routes, et là, ça demande que l'on prenne le temps, et que l'on dorme dans des villages par exemple. Nous avons rencontré un couple qui le fait avec leur fils adolescent et cela nous a donné envie de tenter l'expérience la prochaine fois ! Par contre, on n'ira pas forcément à la chasse avec les gens du village : ils nous ont raconté comment ils se sont retrouvés dans une battue aux sangliers, avec tout un troupeau de sangliers qui courait vers eux !
Comme d'habitude, nous avons pris les transports en commun, ce qui fait de nous des cas à part parmi les « Blancs » qui voyagent, qui privilégient pour la plupart le 4x4 à deux voitures (pour se secourir en cas de panne), ou l'avion. Et comme on les comprend ! Vous comprendrez vous-mêmes dans le 2ème épisode.
Tout au long de notre voyage, nous avons vu peu de voyageurs, le Gabon n'est vraiment pas un pays touristique, et maintenant, on sait pourquoi ! Cela reste cher pour un confort très sommaire. On a dépensé dans les 500 euros chacun en 12 jours (3 jours dans un parc naturel, c'est déjà 250 euros chacun !), et quand je parle de confort sommaire, je suis gentille !
Pour 20 euros, ce qui n'est pas une petite somme ici, on a parfois vu dans notre chambre d'hôtel des murs crasseux, des sols pas lavés, robinets qui fuient. Le mieux c'était à Minvul : il y avait un trou dans le mur qui donnait sur la baignoire. Quand le gérant ouvrait l'eau, l'eau coulait ! Donc il fallait récupérer l'eau à l'aide de seaux pour pouvoir se baigner debout dans la baignoire... voilà, niveau hygiène, on repassera !

Le Nord : Ndjolé et Bitam


Vue de Ndjolé de l'église

Notre auberge (oui, la fresque c'est bien un Nain devant un chaudron !)

Room with a view
Première nuit à 4h de Libreville, à Ndjolé, petite bourgade situé au bord du fleuve. Le lendemain, on a voulu traverser le fleuve pour aller visiter une mission catholique en ruine sur l'île d'en face (seule balade indiquée sur notre guide). Mais les piroguiers nous ont dit qu'il fallait qu'on achète une machette car ils n'en avaient pas (dans la brousse, même les enfants ont une machette, mais eux, non !). On a dit qu'on se voyait pas trop acheter une machette pour faire juste une petite balade.
"Vous voulez pas demander à un de vos amis ?
- Non on peut pas, on travaille".
Si travailler revient à parler avec ses potes, eh bien c'était exact, ils ont repris leur travail ! Bref, ils n'étaient pas motivés. Soit.
Impressionnants grumiers... Les grumes seront débités et partiront pour l'exportation...
Vue sur Bitam

A Bitam, tout au Nord, près de la frontière avec le Cameroun, on a bien aimé l'ambiance gros village.


En pleine rue, des frigos hors d'usage sont entassés...


Ah, c'était pour éviter le passage des voitures et signaler qu'il y a un incinérateur de déchets en plein centre ville... Tout s'explique !

Marché de Bitam
Vue de notre chambre. Coquet n'est-ce pas ?
Ce jeune homme a voulu qu'on le prenne en photo ! J'adore cette photo.
Ancienne maison coloniale, à Bitam
On est allés dans un restaurant qu'on nous avait recommandé (cf la carte ci-contre, tous les animaux de brousse y sont; il y en a même un qui avait un nom spécial, c'est le 4ème en partant du bas, à gauche...).
Lacoste... Vous avez deviné ? Bah, oui, facile : c'est du crocodile !
On y a passé un bon moment avec des papys qui  jouaient à un jeu avec des billes qui s'appelle le sango. L'un d'eux, un gendarme à la retraite, avait fait la guerre d'Indochine, et avait la gorge entaillée de part en part. Comme j'étais en train de lire L'Art Français de la Guerre qui parle justement de cette guerre, je lui aurais bien posé des questions, mais l'occasion ne s'y prêtait pas trop...

On dirait pas sur la photo, mais ils étaient vraiment gentils
On a rencontré aussi un journaliste catalan qui faisait un reportage sur l'homosexualité en Afrique. Il ne rencontrait des gens que sur recommandation, car c'est un sujet tabou, l'homosexualité étant toujours jugée contre nature.
Quand on lui a dit qu'on avait un contact pour visiter des villages de Pygmées, il nous a dit en riant que si on rencontrait un Pygmée homo, il voulait bien l'interviewer !

Minvul : visite de trois villages pygmées
Pour aller à Minvul, on a dû redescendre de Bitam à Oyem (Francesco a parcouru toute la ville pendant que j'attendais le bus avec nos sacs à dos) puis remonter vers la frontière, la route Bitam-Minvul étant trop mauvaise.
Enfants jouant près de notre hôtel à Minvul
 Encore une fois, toutes ces villes nous font l'effet de gros villages car les maisons sont très espacées (ils auraient tort de se serrer, le pays fait la moitié de la superficie de la France et les Gabonais ne sont qu'un million et demi!) et il y a beaucoup de verdure, de collines...
On avait le contact d'un guide à Minvul qui fait partie d'une ONG qui défend et fait connaitre la culture des Pygmées.
Minvul

Pourquoi défendre les Pygmées ? Parce qu'ils ont été longtemps (et certains pourraient bien l'être encore) esclaves des Fangs, une des ethnies majoritaires au Gabon, qui les faisaient travailler la terre et chasser pour eux quasiment à l’œil... Aujourd'hui, ils ont quitté la forêt ou presque (un des villages étaient à une heure de la ville à pied), mais ils ne vont toujours pas à l'école, ils ont une culture de nomades (ils vivaient essentiellement de la chasse et changeaient de camp quand ils ne trouvaient plus de gibier...).

Nos deux guides étaient fort sympathiques : l'un avait fait des études, parlait des Pygmées avec des étincelles dans les yeux : "Ils sont si intelligents, si gentils". L'autre c'était les bras, l'instinct, il disait ou faisait tout le contraire de ce que disait l'autre. Si le premier disait que la viande de brousse était interdite à la chasse,  le deuxième en commandait. Si l'un parlait de l'intelligence des Pygmées, l'autre nous disait qu'il faut parfois les frapper pour qu'ils comprennent !! Mais ce dernier était néanmoins très proche d'eux et c'était aussi l'interprète le plus passionné que j'aie jamais vu, voulant traduire le moindre mot, avec des gestes !
Enfants pygmées (vous remarquerez que les poses des enfants sont les mêmes partout dans le monde !)

Nous avons visité trois villages pygmées. Les deux premiers étaient très proches de Minvul. Dans le premier village, nous avons passé au moins 3 heures. C'était très sympa. Francesco avait amené son petit album de photos de France (la campagne, Paris, des marchés, des rues...) pour qu'on puisse échanger. Une femme parlait français, alors on a pu discuter un peu. Sa petite fille, sourde et muette (celle qui suce son pouce sur la 1ère photo) était très vive, très curieuse. Sa mère lui disait pour blaguer qu'elle allait partir en France, et la petite faisait "non" de la tête !
Nous avons parlé longuement en aparté avec le guérisseur (à gauche sur la photo). Le jeune en T-Shirt rouge devant moi est le dépositaire de son savoir sur les plantes.

Comme le veut la tradition, chaque visiteur doit payer un coup à boire. J'ai dit à la femme, Anne, qui se servait allègrement du gin :"Eh attention, c'est pas de l'eau !" Elle a ri. En fait, cela nous fera moins rire quand dans le dernier village, un Français, qui a depuis un an pour projet de construire une école pour le village, nous a expliqué que l'alcoolisme faisait des ravages, chez les hommes, qui mourraient jeunes, et chez les femmes. Nous avons alors dit à nos guides que nous ne souhaitions pas participer à cela, et que  que la prochaine fois, d'autres cadeaux (riz, lait en poudre, etc.) seraient bienvenus même si les gens seraient peut-être mécontents au début de ne pas avoir leur "jus" (c'est ainsi qu'on appelle toute boisson qui n'est pas de l'eau; ils adorent aussi les sodas).
Enfants rentrant au bercail avec leur machette

En plus, dans ces villages,  nous avons vu pour la première fois des enfants avec le gros ventre de la malnutrition (ce n'était pas le cas dans les villages que nous avons traversés; évidemment, cette remarque n'a pas de valeur scientifique, la pauvreté est grande dans la majeure partie des campagnes, et il est difficile de juger si les enfants sont bien nourris ou pas). En tout cas, on a appris qu'un enfant était mort de malnutrition dans le troisième village, à l'âge de 1 an.
Et c'est fou, car de l'argent, ils en ont, grâce à l'argent de la chasse. Et s'ils ne chassent plus avec la lance (celle, ancienne, que tient le monsieur, qui est le guérisseur, à gauche de la photo), mais au fusil, ils demeurent de grands connaisseurs de la forêt.
Enfant jouant avec un bout de bois et un carton.
En plus, ce qui est fou aussi dans ce pays c'est que tout pousse avec une grande facilité : vous jetez une peau de banane, un arbre pousse ! il y a même du manioc sauvage. Donc la malnutrition, ça paraît incroyable dans ce contexte. Mais on vous répond que ce n'est pas la tradition au Gabon de cultiver (mais il y a de petites plantations vivrières un peu partout tout de même), et que c'est encore moins le cas pour les Pygmées qui, dans leur tradition, ne cultivent pas, enfin, pas beaucoup. Comme je l'ai dit dans le premier post, les fruits et légumes sont en grande partie importés du Cameroun (qui lui, n'a pas de pétrole, et a la tradition, sûrement liée à la simple nécessité, de cultiver).
D'ailleurs, dans le troisième village, l'ambiance n'était pas très détendue, et nos guides nous ont dit que les femmes s'étaient plaintes que le chef du village avait gardé tout l'argent pour les hommes (sous-entendu pour acheter de l'alcool) et que les femmes n'avaient rien eu. Même si nous ne pouvons pas intervenir dans ce genre d'injustices, le fait de donner de la nourriture éviterait au moins de les créer.
Il faut marcher une heure dans la forêt pour arriver au 3ème village pygmée
Négociations pour la traversée en pirogue (on paiera malgré tout 15 euros pour un AR de 5 min !)
 
La traversée du fleuve, bordé de palmiers, est magnifique
Une jeune femme, venue de la ville pour voir le guérisseur, lave son linge dans la rivière
Hutte traditionnelle des Pygmées Baka, faite par les femmes, à l'aide de branches et de feuilles
Eh oui, on peut tenir debout dans la hutte !`
Ce qu'on appelle le "corps de garde" : lieu de réunion, d'accueil des hôtes...
Maisons du village
Seuls les initiés peuvent franchir ce rideau en rafia, derrière lequel se trouve l'esprit de la forêt nommé "Edzengue"
J'ai parlé de la visite de trois villages, mais je n'ai pas encore parlé du 2ème village pygmée, où nous n'avons fait que passer; c'était la nuit, nous n'avions pas nos vêtements imprégnés contre les moustiques, et donc nous ne voulions pas nous attarder.
Notre guide nous a dit : "Ils sont déçus, ils vous attendaient (i.e. ils attendaient aussi qu'on leur paie un coup à boire, ce que l'on fera...)". C'est là que j'ai vu arriver vers nous, dans la pénombre car il n'y avait que quelques lampes à pétrole qui éclairaient le village, trois personnes âgées, vraiment toutes petites, qui nous ont embrassés chaleureusement. C'était émouvant.

Finalement, on ne passera qu'une demie-heure avec eux, dans le corps de garde où tout le village, avec les enfants, s'est réuni, à la lumière d'une unique lampe à pétrole. C'était assez étrange comme atmosphère, très amical, mais on ne savait pas quoi dire, comme ça, à brûle-pourpoint, il faut du temps. Un homme qui ressemblait à Baracuda, donc genre super viril, portait une robe et un bébé dans ses bras. Je me suis dit : "Tiens, c'est peut-être un Pygmée gay !" J'ai posé la question au guide (sur le port de la robe, pas s'il était gay !), il m'a dit : "C'est un chasseur. Il a beaucoup chassé, alors comme son pantalon le gêne, il a mis une robe". Bah oui, quoi de plus naturel !

Voilà, au revoir les villages Pygmées, bonjour les gorilles... mais pour ça, il faudra attendre le prochain épisode (allez, patience, il est presque prêt, ce ne sera pas long...) !
A plus !

4 commentaires:

  1. Merci, Alex, pour m'avoir emmenée dans ces villages du Nord du gabon ! J'ai adoré, pêle-mêle : Lacoste, le chasseur avec la robe et le bébé, les deux guides (vous les aviez trouvés où, ces deux-là ?), Bree et ses gâteaux...
    Je m'abonne tout de suite à ton site !
    Et bonne chance pour le boulot !

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  2. quel bonheur de te lire à nouveau, Alex, merci merci un pur régal, j'ai adoré. Pas le ventre gonflé des enfants, pas qu'ils n'aillent pas à l'école, pas qu'ils boivent à mort, mais la liste du menu au restaurant, la recherche folle d'interviewer un pigmé gay, les enfants qui restent les memes à toutes les latitudes, ton regard ironique, aigu et accueillant. je reste gourmande et attends la suite.....sara

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  3. Ca y est : j'ai enfin eu le temps de relire le début et de finir ton article...
    Je suis très choquée : oser manger du pangolin ! Et en plus, mourir de faim... Ce que tu dis à ce sujet me fait d'ailleurs penser à ce que racontait ma cousine de l'Argentine, où tout pousse et où pourtant les gens sont affamés, dans certaines régions.
    Tu m'as aussi permis de comprendre une phrase d'élève qui m'a toujours intriguée : ma meilleure élève en 5e il y a cinq ans, m'a un jour dit qu'elle était exclue-inclue car elle était sortie du collège sans autorisation, voulant acheter "du jus" pour ses copains, parce que c'était son anniversaire. J'étais choquée que ma meilleure élève parle ainsi, et ne dise pas "jus de fruit"... Je comprends mieux !
    Le coup de la robe est assez intéressant... Je suggérerai ça au copain de ma mère ! ;o)
    Bises et à bientôt.
    Aude

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