vendredi 27 novembre 2009

Indiana Jones et le mystère des emplois cachés...



Indi se demande aussi où sont les emplois cachés...

Alors voilà. Quand on sort des sentiers battus, où se retrouve-t-on, dites-moi un peu ? Eh bien oui, vous l'avez trouvé : on se retrouve dans la forêt, dans la jungle, dans la savane, la steppe, le maquis corse, bref en tout cas, dans un monde sauvage dont il faut comprendre - fissa - le mode de fonctionnement pour survivre.

C'est ainsi que quand on quitte son job de toujours pour en trouver un autre plus approprié, plus motivant, bref, plus nous, eh bien on se retrouve dans la death zone de la recherche d'emploi, que même Indiana Jones aurait eu du mal à appréhender (dans la 1ère demi-heure du film). Parce que cette zone est pleine de mystères et de dangers... (ici, imaginez des croassements de corbeaux, oiseaux funestes s'il en est).

Saviez-vous par exemple qu'il y a un "marché caché" de l'emploi ? Si si, je vous jure. C'est la conseillère du Pôle Emploi qui me l'a dit hier. Car je suis à présent inscrite au Pôle Emploi, cette Terra Incognita où j'ai finalement eu l'audace d'aller telle une aventurière des temps modernes ! En effet, j'ai appris récemment que si on recherche un emploi,même si l'on ne bénéficie pas de chômage, on peut quand même bénéficier de conseils... Tous charmants au Pôle Emploi Voltaire d'ailleurs, je vous recommande cette adresse ! Il y fait chaud, les gens sont très gentils, il n'y a pas grand monde (moi je croyais que ce serait bondé de chercheurs d'emploi vu que c'est la crise, mais non, c'est un endroit rationnel, où les gens viennent sur rendez-vous, au compte-goutte).

Après une heure et demie d'entretien (je n'en revenais pas de tant d'attentions !), on me donne rendez-vous la semaine prochaine avec l'agence de conseils Psychoform (bizarre comme nom !) pour ne pas la nommer, et alors je saurai tout sur ce fameux marché caché qui m'intrigue beaucoup,- et par voie de conséquence, ne sera plus un marché caché, enfin pour moi, à priori... Mais pourquoi tant de mystères ? Les recruteurs ont-ils peur d'être submergés davantage par les candidatures ? Peut-être que certains jobs, tel le bon vin, mûrissent tranquillement dans des caves ? Et ne sont goûtés que par de rares initiés !

L'emploi serait-il nouvelle religion à mystères ?! On vit vraiment une époque formidable... Je pense que chercher du travail devrait être reconnu comme une compétence en tant que telle, et que loin de le cacher, il faudrait le mettre en avant ! Ces dernières semaines, grâce à une amie travaillant dans une maison de l'emploi, j'ai appris les arcanes de l'art du CV et de la lettre de motiv ciblés, dont le moindre mot doit être pesé et surtout utile. À l'aide de ses conseils, j'ai passé des journées à retravailler ces documents pour deux postes, les premiers vraiment intéressants en trois mois de recherche. Sans compter les séances épiques avec des crampes dans le bras où je me suis prise moi-même en photo pour le CV ! Avoir l'air sérieux sans avoir l'air cadavérique, sourire sans avoir l'air demeuré... Bref toujours cette idée d'apparence... Des fois je me dis : pourquoi pas, à diplôme égal, des recrutements par tirage au sort avec mise à l'épreuve ?! Ça serait peut-être un gain de temps pour tout le monde !

Sur ce, à plus !

mercredi 4 novembre 2009

Simone Weil, Le Courage de l'impossible


Alors voilà. Je viens de finir de lire la biographie de Simone Weil, pas la femme politique, l'autre : la philosophe inclassable née en 1909, et morte à 34 ans. Je vous recommande ce livre absolument. Christiane Rancé, sa biographe, écrit de façon magnifique, concise. Et on pleure à la fin parce que c'est juste beau et triste, et qu'on aurait envie que cela finisse autrement. Mais cela ne pouvait pas finir autrement car Simone Weil meurt fidèle à elle-même : d'une exigence absolue envers elle-même, d'une cohérence absolue avec ses principes.

Très tôt, dès l'âge de 14 ans, elle renonce à toute vie sentimentale, et ne se donne qu'un seul but : la quête de la Vérité, de l'Amour du prochain.

Prof de philo, normalienne, élève d'Alain qui se rend compte de son potentiel exceptionnel, alors qu'on l'envoie enseigner dans le Massif Central pour l'éloigner car elle dérange par ses invectives communistes (sans jamais adhérer au Parti), elle se met à donner des cours aux travailleurs,et fait scandale en allant avec eux dans les cafés.

Comment soulager la détresse humaine ? Pour la faire sienne, elle va jusqu'à travailler un an et demi en usine, pour comprendre dans son être le sort des ouvriers. Elle se sent de son propre aveu marquée à jamais comme une esclave, connaît l'épuisement et l'absurdité des taches répétitives, vit les rapports déshumanisés, le chacun pour soi, se surprend à obéir "comme une bête de somme". Elle fera aussi les vendanges, les pieds en sang et le dos meurtri, s'obligeant à la même cadence que les autres. Toute sa vie, elle pratiquera l'ascèse comme mode de partage, refusant les tickets de rationnement, les offrant à d'autres, dormant par terre pour partager le sort des prisonniers pendant la guerre; c'est ce qui la tuera d'ailleurs.

Toute sa vie, elle allie la pensée et l'action avec une soif et une énergie incroyables, paraissant presque enragée à ceux qui croisent son chemin, d'autant plus qu'elle se souciait comme d'une guigne de son physique, ce qui choquait, mais tous demeurent impressionnés.
Pacifiste, elle va quand même sur le front pendant la guerre d'Espagne pour soutenir les camarades; puis pendant l'Occupation, elle n'a de cesse de demander un visa pour l'Angleterre,car son souhait est d'être parachutée sur le front, allant à une mort certaine. Elle voulait constituer un groupe d'infirmières de choc, dont elle aurait fait partie. Trop faible, personne ne consentira à sa demande. De Gaulle la croit folle.
Parallèlement à la Résistance,la fin de sa vie est marquée par le mysticisme, une foi toute personnelle, sans baptême ni lien avec l'Église, magnifiquement décrite.

Je ressors estomaquée de cette lecture, galvanisée par son courage, sa générosité, son abnégation et sa droiture, et j'ai hâte de me procurer ses écrits (dont La Pesanteur et la Grâce, L'Enracinement), tous posthumes.

Je vous livre quelques passages, que je trouve beaux.

Expliquant pourquoi elle refuse de se nourrir :
" Étant donné la situation générale et permanente de l'humanité dans ce monde, peut-être bien que manger à sa faim est une escroquerie".

À ses parents,avant son départ pour New-York où elle doit s'exiler un temps :
" Si j'avais plusieurs vies, je vous en consacrerais une, mais je n'en ai qu'une et je dois la vivre."

"La foi ne doit être défendue que par l'innocence et l'amour."

"Il est bon d'aimer au point de paraître fou."


"La violence du temps déchire l'âme. Par la déchirure entre l'éternité."


En adieu à un ami, avant sa mort :
"Je charge les étoiles, la lune, le soleil et le bleu du ciel, le vent, les oiseaux, la lumière, l'immensité de l'espace, je charge tout cela, qui reste toujours avec toi, je charge tout cela de mes pensées pour toi et de te donner chaque jour la joie que je désire et tu mérites tellement."

À plus !

mercredi 21 octobre 2009

Je suis une fille très positive

Alors voilà. Le problème si on critique quelque chose, comme je l'ai fait dans mes derniers post (tous ceux que j'ai écrits en France en fait !), c'est qu'on a vite l'air rabat-joie. Et ça peut donner l'impression que vous n'êtes pas quelqu'un de positif... et donc faire de vous le rebut suprême dans notre société où il faut ''se vendre'' (-sinon qui le fera pour vous ?)... Or je suis une fille très positive, et je vais essayer de le prouver. Parce que, non mais, faut savoir se défendre dans la vie !

D'abord, il faut dire qu'en critiquant, c'était un peu comme renouer avec mes origines, avec la France quoi. C'est une démarche affective si vous voulez. Éh oui, on est connus pour ça nous les Français : on est des râleurs, c'est notre réputation, - arrogants aussi. Attention, juste des râleurs et des arrogants, pas des révolutionnaires (on n'est pas contents, on est vachement cultivés, mais on va pas bouger le petit doigt !). On l'a faite il y a deux siècles et des poussières, la Révolution, alors basta. Bref, je ne surprendrai personne en disant qu'il y a chez nous une tendance globale à la négativité (contraste frappant avec la positivité acharnée des Américains pour qui tout est ''great'' ou ''best...ever'' : ''It was the best party ever !'' dit-on là-bas à la fin d'une soirée pour être juste polis même si on s'y est ennuyés à mourir).

Par exemple, aujourd'hui, je suis allée faire l'expérience d'aller me faire couper les cheveux dans une école de coiffure. Je dis bien l'expérience : j'y suis restée 2h30 ! Mais quand on connaît les tarifs (8 euros, prix imbattable !), on n'est pas regardant, et puis c'est touchant de voir les apprenties coiffeuses s'appliquer intensément avant chaque coup de ciseau (- n'empêche, j'ai quand même regretté d'avoir demandé un dégradé !) et puis c'est balèze, on se rend compte qu'il faut prendre le cheveu dans un certain angle, il y a le bon geste et le mauvais, des nouvelles techniques, il faut attendre la prof, ça donne des crampes et tout et tout... Mais tout le monde ne le voit pas ainsi... Une dame piaffant d'impatience a fait un esclandre parce qu'on ne s'occupait pas d'elle fissa (moi aussi j'étais un peu paumée au début parce qu'il y avait du monde dans tous les sens, mais bon je me suis assise et j'ai attendu, voyez, positive quoi, je me disais que quelqu'un allait bien venir un jour, ce qui est le fondement de l'espoir, qui fonde lui-même l'optimisme). Le professeur lui a dit : '' Si vous croyez qu'on va vous faire des courbettes, vous vous êtes trompée d'adresse !'' La dame est repartie comme une furie en déversant son fiel sur son passage...
Scène ordinaire qui serait hautement surréaliste au Cambodge par exemple, où la courtoisie est absolue du côté des vendeurs comme des clients. Je suis sûre qu'ils auraient trouvé la façon de la calmer : ''Mais oui madame, où avions-nous la tête ? On s'occupe de vous tout se suite.'' Et ils l'auraient fait attendre encore une demi-heure.

Et hier autre exemple fugace : ''- Bref, vous êtes perdue quoi !'' me disait une dame (encore une... mon Dieu, vais-je devenir misogyne ?!) s'occupant de recrutement, peu affable de prime abord (elle devait jouer le rôle de la méchante, il paraît qu'il y en a toujours une), quand je lui demandai où se trouvait la ville de banlieue dont elle me parlait, dont j'ai déjà oublié le nom, se terminant par ''y'' (Cergy, Evry...), ou ''esse'' (Gonesse, quel nom !). ''- Non, je cherche juste à m'orienter,'' - nuance ! Ben oui, c'est vrai quoi : ça peut être très exotique la banlieue quand on ne la connaît pas !

Pour revenir au sujet de la discussion, je suis quelqu'un de positif dans la vie, j'avance et tout et tout, et j'aime bien faire des choses sympas, c'est juste que c'est pas marrant d'en parler, et encore moins d'écrire à ce sujet.

Par exemple, j'adore voir sourire les gens pour des petites choses, quand on les laisse passer sur un trottoir trop étroit, ou à la caisse quand on arrive en même temps ("V'là Amélie Poulain qui rapplique !'' soupirez-vous déjà... je vous l'avais dit, c'est emmerdant les histoires de gentils qui rencontrent des gentils ou bien des renfrognés pas méchants). On a l'impression qu'ils reprennent espoir en l'humanité, l'espace d'un instant, leur visage s'illumine. On a fait notre B.A. On se sent bien.

Autre fait qui montre que je suis quelqu'un de positif : je ne m'énerve (un peu) qu'avec les gens que j'aime. Ils en ont de la chance ! Car en public, je reste soft et éduquée, j'arrive pas à faire autrement (je regarde avec une petite pointe de désapprobation mêlée d'envie ceux qui crient ''Connard'' à un chauffard). C'est comme ça qu'on crée les guerres, il paraît, à l'intérieur des foyers. Ben oui, quand on y pense, si certains traitent quotidiennement de tous les noms femme et enfants, ou mari et enfants, ou parents (ça dépend du point de vue), c'est-à-dire des gens qu'on est supposés aimer, on comprend qu'ils aient moins de problèmes à prendre des armes contre un peuple qu'ils sont supposés détester.

Et sinon, éh bien, je peux dire que je rêve d'une humanité et d'un monde meilleurs (''V'là maintenant Miss France et sa paix dans le monde qui rapplique !''). J'imagine même des moyens concrets pour ça (pour l'instant classés top secret, i.e. c'est encore un peu confus)...

Et puis, quand j'ai un problème, c'est-à-dire quand je me réveille le matin (voyez, ça, c'est pour rire !), je ne pense pas que c'est la fin du monde, non je pense juste que c'est la fin de mon monde. Et ''après tout, demain est un autre jour'' (ne jamais sous-estimer l'impact des répliques fétiche de films sur le moral : voir gamine Scarlett O'Hara tenant les yeux brillants la terre rouge de Tara alors qu'elle a tout perdu, c'est une image qui vous accompagne le restant de vos jours) donc ça ne dure jamais bien longtemps.

Donc je peux dire, et vous serez sans doute d'accord avec moi, que je suis bel et bien une fille très positive ! Je n'en rajoute pas sur la noirceur, c'est juste que c'est tellement plus ... mince, c'est plus intéressant ?!

Voilà. CQFD.

À plus !

mercredi 7 octobre 2009

Paris je t'aime ?


Alors voilà. J'ai dit que j'allais parler de Paris, où je vis depuis un mois (mais pendant trois semaines dans ma tour d'ivoire, cf précédent post) mais je ne suis pas encore entrée dans le vif du sujet.

Tous mes amis qui savent que je suis nouvelle venue me demandent : ''Alors, Paris ?'' Et moi je réponds : ''- Oh c'est super, on a plein de choses à faire, plein d'amis à voir...'' Et j'ajoute mentalement : -Ben Paris, ça va, la ville tient debout, les voitures circulent, les gens marchent, beaucoup d'ailleurs, vite, certains parlent tout seuls, beaucoup d'ailleurs, d'autres, beaucoup d'ailleurs, sont sur des bancs, ou assis par terre avec parfois un litron pour étancher la soif, et ils ont tous le regard perdu, et un visage ravagé.
Et on me demande si le Cambodge était pas trop dur ? Éh bien si, il m'est arrivé de voir dans Phnom Penh des mères mendier avec leurs enfants, ou vendant des bricoles non loin de détritus au coin d'une rue, mais je les ai vus aussi rire et jouer ensemble (même si on ne comprend pas comment c'est possible, ça arrive).
Ici, dans la capitale de la France, pays dit ''développé'' (comme si on y était arrivés), je vois tant de gens seuls dans leur misère financière parmi tant de richesses ou seuls dans leur misère morale (on l'oublie beaucoup celle-là) parmi la foule, et qui, n'ayant plus personne à qui parler, parlent tout seuls. J'en vois chaque jour.

Alors oui, c'est beau Paris, mais il faut regarder au-dessus des hommes, à deux mètres du sol. Ou ne pas faire attention...

Bon mais allez, hauts les coeurs ! Il y a aussi des choses super sympas à Paris, et toujours des tas de sorties à faire, c'est vrai. Par exemple, la Nuit Blanche, qui avait lieu samedi dernier. Le principe c'est qu'il y a des illuminations dans divers endroits de la ville, et des événements artistiques (concerts, projections, installations...).
C'était drôlement bien organisé : on se serait crus à l'entrée d'un gigantesque match de foot, sans joueurs, sans terrain et sans ballon !... Restaient : une foule dingue faisant des queues dingues (la queue faisait presque tout le tour de la grande mosquée, et devant le Luxembourg, -on a pas compris pourquoi l'entrée n'était pas libre...-une affiche indiquait la durée : 1 heure !! et les gens attendaient quand même !! - mais où les gens trouvent-ils ces trésors de patience ?? De toute évidence, ça ne doit pas être les mêmes qui klaxonnent comme des damnés parce qu'il y a un livreur qui bloque la rue 5 minutes... ou alors l'âme humaine est vraiment tordue !), et plein de flics partout ! on aurait dit le plan Vigipirate.

Par chance, en rentrant bredouilles (on avait rien vu du tout en 1 heure à vélo, à part la foule errant comme nous), on a laissé nos vélos dans le Marais, et on est tombés sur une projection de court-métrages super sympas. Il y avait une moquette par terre, on pouvait s'asseoir, ou se coucher, c'était bien.
Mon préféré c'était Paul Rondin est... Paul Rondin, de Frédérik Vin, l'histoire d'un doubleur de bande-annonces de film d'un certain âge qui cherche l'amour (dans sa chambre, il y a deux lits, le sien et un autre attendant sa promise, recouvert d'un film plastifié !), mais qui a une déformation professionnelle telle qu'il ne peut parler qu'avec le ton d'une bande annonce, ce qui bien sûr fait fuir toutes les demoiselles. Mais ça finit bien : grâce à une agence matrimoniale, il est mis en contact avec une dulcinée au physique certes ingrat, mais ayant une déformation similaire : ''Pour faire ma connaissance, tapez sur 1, pour mon numéro de téléphone, tapez sur 2...''
En plus, un couple vendait à côté de la soupe à l'oignon faite maison, avec un gruyère râpé à la main, des croûtons exquis...qu'ils en soient remerciés ! Bref c'était bien, on a dû y rester plus d'une heure.

Voilà tout ce que je peux dire pour l'instant sur Paris, autant dire pas grand chose.

Peut-être que toute grande ville est forcément un monstre protéiforme, car façonnée par l'homme, avec juste des trous menant à la terre pour laisser de la place aux platanes, et aux parcs (toujours l'idée de limite, de ''parquer'' les gens, comme on parque les voitures, et les plantes...). Si la sauvagerie doit ressurgir quelque part, ce sera forcément chez les humains, pressurés de toutes parts. Mais la beauté aussi.

L'autre jour, un peu plus prosaïquement, je me disais : Vivre à Paris, c'est un peu comme être marié à plus belle femme du monde : tout le monde vous l'envie, mais qu'est-ce qu'elle peut être chiante !

Sur ce, à plus !

vendredi 18 septembre 2009

Hikikomori


Alors voilà. Depuis que je bosse sur ce #&**#? mémoire, plus je reste chez moi, plus j'ai envie de rester chez moi. Vous avez déjà connu ça vous ? Moi ça me fait tout drôle parce que normalement j'ai un besoin viscéral de '' prendre l'air'' chaque jour, quoi qu'il arrive. Et là, non.

Par exemple, ce soir, mon copain voudrait sortir voir un film en plein air, et quand il m'a dit ça au téléphone tout à l'heure, moi je me suis surprise à penser : « Sortir ?!...Va y avoir du vent, des gens partout, faudra prendre le vélo, faire attention aux voitures... oh la la... ». Bref, j'étais fatiguée rien que d'y penser...Où est le problème, me direz-vous : -Reste donc chez toi! - Oui, sauf que c'est pas moi ça ! Normalement je devrais sauter de joie en criant : « Enfin l'heure de ma libération a sonné ! » Tout ça m'inquiète un peu... car du coup, je me dis que je dois faire gaffe à pas devenir hikikomori.

Là, vous vous demandez peut-être : mais qu'est-ce qu'un hikikomori ? Éh bien c'est quelqu'un (souvent un jeune homme japonais, surtout l'aîné de la famille il paraît), qui décide de ne plus sortir de chez lui. Il y en aurait un million au Japon (ça commence à faire ! Mais sur 170 millions, ma foi, c'est de suite moins inquiétant..). Trop de pression sociale. On est mieux chez maman. Tellement bien qu'on ne sort plus, surtout si on n'a pas réussi à l'école, et vous savez que pour ça, ils sont impitoyables les Japonais. Du coup c'est la honte, une de plus pour les parents.

Notre hikikimori et ses boîtes de pizza

En novembre dernier, à ce propos, j'avais vu les trois courts-métrages intitulés « Tokyo !» et c'était pas reluisant, enfin pas très folichon je veux dire; en même temps, on aurait dû faire gaffe au point d'exclamation, maintenant je me dis qu'il sonnait comme un avertissement... Parmi ces courts-métrages, justement, il y avait l'histoire d'un hikikomori (c'est comme ça que j'ai appris leur existence) réalisé par un Japonais, Bong Joon-Ho (le genre de nom qu'on n'est pas obligés d'aller chercher sur wikipédia). Les deux autres courts-métrages étaient réalisés par des Français, l'un, de Michel Gondry, était l'histoire d'une fille qui se transformait en chaise, s'installant (façon de parler) chez un inconnu (elle avait dû se dire que c'était mieux que de faire tapisserie avec son copain qui la regardait plus!); et l'autre, signé Leos Carax, était l'histoire d'un homme nommé Merde (j'invente pas) venant des égoûts qui terrifiait tout Tokyo non seulement par son visage hideux, ses ongles crochus et le reste allant avec, mais aussi en balançant des bombes restant de la guerre (j'vous jure que j'invente pas !). Ma cousine, enceinte et à quelques jours du terme (on s'était dit qu'un p'tit ciné lui ferait du bien, c'était foutu !) refusait de regarder l'acteur car il était vraiment affreux à voir et elle avait peur d'avoir son visage comme image au moment d'accoucher ! Un grand moment de ciné. Heureusement, ce qu'il y a de bien avec les courts-métrages, c'est qu'ils sont courts.

Monsieur Merde sortant des égoûts

Mais revenons à nos hikikomoris.

Celui de Bong Joon-Ho, qu'on accueillit avec plaisir et soulagement malgré sa bizarrerie (-l'homme des égoûts c'était enfin fini !), bref cet hikikomori s'ouvre à nouveau à la vie extérieure après quelque chose comme dix ans et mille boîtes de pizzas qu'il conserve en piles bien alignées (ce qui fait que l'appart a quand même l'air clean, -japonais quoi) et cela grâce à l'arrivée d'une jeune livreuse de pizzas portant des porte-jarretelles... Éh oui, comme il ne regarde personne dans les yeux, en prenant la pizza, son regard tombe pile sur ce détail affriolant... Ce qui fait que pour la première fois depuis dix ans, il en oublie ses principes et regarde en face la jeune fille qui se trouve être fort mignonne, ce qui ne gâche rien. Au même instant, gros coup de bol : il y a un tremblement de terre, - subtile métaphore de son émotion, (- cela dit, ça reste crédible : c'est sismique Tokyo), et paf, la jeune fille tombe raide évanouie sur son paillasson. Il est obligé de la toucher pour essayer de la ranimer et doit s'isoler pour reprendre ses esprits. Je sais plus ce qui se passe au milieu, mais finalement le résultat c'est qu'il sort enfin de chez lui. Et nous du cinéma par la même occasion.

Tout compte fait, je devrais peut-être me forcer à sortir ce soir...

Sur ce, à plus!

mercredi 16 septembre 2009

Lost

Pas besoin d'être échoué sur une île déserte avec des monstres bizarres comme dans la série américaine (jamais su le fin mot de l'histoire d'ailleurs, j'ai arrêté après quelques épisodes : c'était quoi ces bruits dans la forêt ?), notre monde moderne suffit amplement pour se sentir ''lost'', - perdu quoi (je précise, tout le monde parle pas anglais).

Si, comme moi, vous regardez tous les jours des annonces de boulot sur anpe.fr ou sur la Gazette de l'emploi, sur Coordination sud, ou sur cadres-dont-personne-ne-veut.fr ou toutes-les-filieres-sont-bouchees-mais-essayez-il-reste-de-l-espoir.org, ou t-as-aucune-chance-des-la-naissance.com, ou vous-etes-sur-terre-c-est-sans-issue.fr, en surfant entre deux sur des forums où tous le monde cherche des réponses sans les trouver bien sûr, à part sur les boutures de cactus ou sur les confitures de mirabelle (il y a des choses tout de même rassurantes dans ce bas monde), vous comprendrez de quoi je veux parler.

Lost, complètement lost.

Et si on lançait un club ? Ça pourrait s'appeler : « Lost Club (ça rappellerait Fight Club, en moins violent bien sûr), le club des losers », ou éternels-paumés.fr pour lutter contre l'anglicisation galopante. Le problème c'est que ça sonne quand même pathétique et les gens aiment très modérément l'autodérision, ça paraît toujours un peu suspect : « Untel dit du mal de lui-même ? Il doit forcément y avoir un fond de vérité » et en plus :

« Ne dites jamais du mal de vous, vos amis s'en chargeront toujours à l'envi », dixit Talleyrand, qui cela dit devait parler en connaissance de cause car ce n'était pas exactement un enfant de coeur (avoir été dans la même vie évêque et homme politique, ça rend pas spécialement sympa !).

- You have to be your best friend, so don't laugh at yourself, you have to love yourself, - sinon qui le fera ? (reste de philosophie à deux balles san franciscaine)... -Ah bon ? On peut s'autosuffire ? On n'a pas besoin d'être utile à la société en faisant un boulot nase ? - Non, on travaille juste pour gagner des sous et avoir un statut social.- Ah bon. Mais si moi j'ai envie de me sentir utile ? - Change, accepte la réalité, sinon tu seras broyée par le rouleau compresseur du Bon Sens. - Ah...

Ce qui est rigolo, c'est que dans les annonces, il y a toujours des postes publiés qui consistent à conseiller à d'autres comment trouver un job. C'est quand même génial, mais c'est logique : il faut bien qu'ils commencent un jour. Parfois même, ironie du sort typique de notre société qui insiste bien à nous faire sentir que nous sommes tous interchangeables (but never forget you're so unique !), ces gens-là se font virer (ça s'est passé pour une centaine de conseillers anpe récemment).

J'espère au moins qu'ils avaient appris comment bien négocier leur licenciement...

Sur ce, à plus !

mardi 15 septembre 2009

Problèmes de problématiques

Alors voilà. Toutes les bonnes choses ont une fin. Les vacances aussi. Mais heureusement, on n'arrête jamais de rigoler dans la vie. Et pour ça, il y a l'existence d'une chose qui s'appelle le Devoir. Pourquoi le Devoir fait-il rigoler ? me demanderez-vous perplexesss (coquetterie d'auteur, parce que vous êtes nombreux à me lire, d'autant que j'ai laissé passer deux mois exprès pour rendre le suspense insoutenable...). Je disais donc : pourquoi le Devoir fait-il rigoler ? Éh bien, parce que le Devoir ça nous fait faire des trucs pas croyables, que même en rêve on ferait pas.

Tenez, moi par exemple (au hasard). Je suis en train de rédiger un mémoire de stage problématisé. Oui vous avec bien lu : problématisé, ça veut dire que je dois chercher un voire plusieurs problèmessss (ça c'est plus une coquetterie d'auteur, c'est un cauchemar d'étudiant !). Car quand les gens n'ont pas assez de problèmes, ils s'en créent, c'est bien connu ! Et c'est ainsi que tout le lycée et la fac nous la demandent, non, que dis-je, la réclament à cor et à cris : la problématique.

Sans elle, tout serait si simple, on raconterait notre expérience de stage, nos problèmes (ben oui, quand même), nos coups de génie (en étant modeste, cela s'entend). Mais avec la problématique, que nenni, on construit du sens, on organise le chaos, tout cela sur fond de problèmessss. Donc soucis, gros soucis. Procrastination infinie. On avance moins vite que les autres. Plus que 15 jours, et encore 75 pages sur les 80 à écrire. Kilométrage exaspérant.

- Et si je veux faire du condensé moi ? - Nan ! Tu fais comme on t'a dit, 80 pages [c'est ma Conscience qui me parle] ! - Ok, ok... Et je peux faire du copier-coller sur des trucs pas importants ? -Nan malheureuse (t'as été prof toi ??), cela s'appelle du plagiat, c'est que les abrutis et les paresseux qui font ça ! - Mais les mecs sur Wikipedia, ils ont dit ça vachement mieux que moi... - Nan jeune fille (encore coquetterie de l'auteure_), prenez confiance en vous. -Et de la paraphrase ? - Mal, très mal, trèèès bête.-Bon bon, ça va, je vais faire des problématiques personnelles (j'en fais déjà une affaire personnelle, ça sera pas si dur) avec des phrases personnelles.

Et la rigolade dans tout ça ? Éh bien c'est que dans quinze jours, quoi qu'il en soit, ce sera fini !

Sur ce, à la prochaine, pour une chronique sur notre bien-aimée (ou pas) Capitale, que je pourrai arpenter sans trop de culpabilité, le pire de tous les démons intérieurs...

mardi 30 juin 2009

Angkor magique



Petit Kirikou cambodgien avec sa mère devant le temple d'Angkor

Alors voilà. Comme je le disais dans mon précédent post, je ne suis pas en vacances. N'empêche, j'ai réussi à me faire de très jolies escapades ces deux derniers mois, chronométrées certes, puisque faites en un week-end, avec des trajets de 4-6h de bus juste pour un aller, mais quand même, ça valait le coup. À part Kratie, il y a eu les maisons flottantes à Kompong Chnang, la côte avec Kep et Kampot, l'écotourisme (cascade et nuit chez l'habitant) à Kompong Speu. Je posterai tout ça très bientôt.

Le site d'Angkor
Mais je commence par le clou du clou où je suis allée ce week-end : les fameux temples du site d'Angkor. 287 au total, rien que ça. C'est la merveille des vestiges de la riche civilisation khmère. Les temples sont tous très différents selon les époques; certains sont sous forme de pyramides et rappellent les temples mayas. Il y en a qui sont d'influence hindouistes et d'autres bouddhistes, mes préférées, les plus mystérieux. Partout, il y a des blocs de pierre hallucinants, et des bas-reliefs sur tous les murs ou presque. Et le site est magnifique, tout vert, avec des immenses arbres centenaires, tels que je n'en avais encore jamais vus dans le pays. Le tout a un enjeu touristique énorme (hotels de luxe à foison dans la ville, Siem Reap, qui a des jardins tout taillés, tout proprets, c'est joli mais sans âme; les droits d'entrée sont à 20 dollars la journée, 40$ les trois jours) et la situation est actuellement très tendue avec la Thaïlande qui voudrait se le réapproprier.
Moines faisant la queue au guichet du site
Pirouettes dans les douves du temple !
Angkor Wat
À bicyclette, passant des portes grandioses...
Temple pyramide de Ta Keo, costaud les marches...
Ta Keo
Minéral et végétal emmêlés
Celui que je voulais absolument voir est le Ta Phrom, qui a la caractéristique d'être envahi par des arbres gigantesques dont on sent qu'ils vont gagner la partie un jour contre la pierre tellement leurs racines s'insinuent dans les interstices et retournent des blocs pourtant imposants. Avec Renan, un copain rencontré à Phnom Penh, nous décidons de partir en vélo le matin à 7h pour le petit circuit (15 km, plus 5 pour aller en ville), pour être sûrs de ne pas être trop nombreux sur place. C'était magique, malgré quelques groupes de touristes asiatiques parlant fort et prenant les poses de rigueur (doigts en V, ils adorent ça).
Je suis conquise...
On n'est pas tout à fait seuls... Certains prennent la pose !

Le sourire du Bouddha
Le temple Bayon est le plus incroyable pour moi. Il y a 34 têtes (plus de 50 à l'origine) de plusieurs mètres à 4 faces, portant toutes le visage souriant de Bouddha. Une forêt de têtes, surplombée par une seule. Et des galeries et des terrasses qui les rejoignent. À l'intérieur de chacune, il y a une voûte, et un autel avec une statue du Bouddha, et des offrandes aujourd'hui encore (de l'encens principalement) et une corbeille pour mettre quelques billets en échange. À un endroit, il y a des femmes en habits de danse traditionnelle. Elles prennent la pose traditionnelle (doigts et pieds incurvés) pour la photo contre un dollar.
Bayon
Femmes en habits de danse traditionnelle venant de poser
Le sourire du Bouddha est contagieux
Renan aussi sait prendre la pose traditionnelle des danseuses !

Jeunes moines à Angkor Wat
Angkor Wat est le plus carré, le plus rationnel des temples pour moi; c'est une véritable forteresse, avec des douves larges de plus de 1000 m et de 2-3 m de profondeur où les enfants plongent, avec un système de portes qu'on franchit et qui fait découvrir à chaque fois de nouvelles tours pointues, de nouvelles galeries. Les moines sont nombreux à venir dans ce site sacré. On engage la conversation avec trois jeunes d'entre eux. Comme une femme n'a pas le droit de toucher un moine sinon il perd tous les biens acquis (le féminisme attendra !), je me tiens à distance respectueuse sur la photo, tandis qu'ils se mettent bras dessus-bras dessous spontanément avec Renan. Être moine au Cambodge n'est pas forcément quelque chose de définitif. Ça peut être simplement un passage initiatique, quelques mois avant le mariage. Le jeune en orange clair (il n'y pas de signification aux dégradés, c'est juste en fonction des goûts !) est moine depuis trois ans et semble très impliqué, et nous explique sa pratique très sérieusement, mais les deux autres rient comme n'importe quels jeunes.
Parfait dégradé
A l'intérieur d'Angkor Wat
Sympa les coiffures d'antan...
1h30, je dois repartir dare-dare, mon bus est dans une heure. J'arriverai à Phnom Penh 6 h plus tard, avec un siège restant désespérément incliné au maximum, mais avec aussi un voisin parlant anglais. Il me raconte qu'il fait ce trajet tous les week-ends, parce qu'il prend des cours du soir pour avoir un master en finances (il travaille dans une banque); tous les week-ends, il fait 12h de bus pour voir 24h sa femme et son petit garçon de 7 mois, Heng Heng (prénom chnois qui veut dire chanceux), et il compte faire ça plusieurs années. « C'est la vie », me dit-il. Il me dit qu'il aimerait venir à Paris pour voir la Tour Eiffel et l'Arc de Triomphe, peut-être dans vingt ans, me dit-il en riant, parce que c'est cher.

Voilà, Angkor c'est fini. À plus !

lundi 29 juin 2009

Non je ne suis pas en vacances !

Bénéficiaires du micro-crédit (85 euros max) avec les caissiers



Traversée du désert

Alors voilà. Après un mois et demi de silence, I'm back. Pourquoi n'ai-je rien écrit pendant tout ce temps? Éh bien parce que une fois passé un mois et demi de découvertes, d'émerveillements, j'ai eu un petit passage à vide, je me suis sentie seulette, ben voui...Et comme de juste, c'est à ce moment-là que je me suis fait tirer mon sac, quand j'étais à vélo. Deux types sur une moto ont surgi, la moto a freiné, le mec de derrière m'a couru après. Le tout dans une rue déserte (chose rare, il était 20h), et complètement noire sur 20 m, alors que le début était illuminé et animé. Le flip... le sac (que je ne prenais jamais, il a suffi d'une fois !) a cassé facilement, c'est déjà ça. Mais la peur, elle, ne m'a plus lâchée pendant plus de dix jours. Et encore maintenant je regarde parfois ce qui m'entoure avec suspicion. Je suis une Barang, une étrangère, et cela fait de moi une poule aux oeufs d'or de facto, même si je roule sur un vélo pourri et que j'ai 10 dollars sur moi. Après, tout le monde m'a bien sûr raconté tous les vols qui s'étaient produits dans les six derniers mois....le record : une fille qui s'est fait piqué son sac 6 fois en 2 ans ! En tuk-tuk, en moto, en vélo, devant chez elle...Donc, tout mettre dans ses poches, ou porter un sac à dos, pas de petit sac le soir.Il a suffi qu'une fois je manque de vigilance. Évidemment cela gâche le plaisir, mais bon cela peut arriver partout.

Donc ce mois dernier a été surtout occupé par le boulot, ce qui est logique, c'est pour cela que je suis venue !

Mon stage en ONG

En quoi consiste mon stage? C'est toujours un peu long à expliquer, alors pour ceux qui ne sont pas intéressés, sautez cette partie !
Je suis en stage chez Entrepreneurs du Monde, association de micro-crédit dont le siège est à Poitiers, qui est implantée dans divers pays dans le monde. Il s'agit de tout petits crédits (200$ maxi) pour des gens qui vendent leurs produits sur le marché ou dans la rue.
Ma mission (ce terme me fait immanquablement penser à la formule des films d'espionnage de série B : « Votre mission , si vous l'acceptez, est de libérer le Pentagone de dangereux terroristes. Ce message s'autodétruira dans 5 secondes. »), bref je disais ma modeste mission est d'identifier les besoins des étudiants issus de centres de formation professionnelle de Phnom Penh pour lancer leur petit business (petit salon de coiffure, atelier de réparation mécanique, etc.).
J'ai d'abord fait , les deux premiers mois, une évaluation d'une formation existante (« Business curriculum »), à Friends International, qui s'occupe d'enfants des rues, jusqu'à l'âge de 24 ans. La philosophie de cette ONG devenue entreprise sociale (cela veut dire que diverses activités -restaurants, boutique, salon de beauté- servent de lieux d'apprentissage pour les étudiants et génèrent des revenus; l'idée est de devenir indépendant à terme et de tourner en autonomie sans financement extérieur), sa philosophie donc est de réintégrer les jeunes dans leur famille, dans des écoles, pas de les garder à part. Il y a des ateliers pour apprendre un métier de façon pratique. La durée d'apprentissage est souple, elle dépend des capacités de l'étudiant et de la compétence technique à acquérir.

Interviews d'étudiants
Avec Dany, ma collègue khmère chargée de l'évaluation, une fille intelligente et drôle, qui souhaite aller faire un master en Australie ou aux États Unis, nous avons interviewé 22 étudiants et anciens étudiants ayant assisté au Business Curriculum, cours de 25 heures, qui parle du monde de l'entreprise, qui aborde des notions telles que le business plan, le marketing, le budget, connaître ses capacités, écrire un CV, etc.
C' est intéressant de voir leurs rêves. À terme, tous veulent travailler à leur compte. C'est normal, le travail informel occupe 90% de la population active dans le pays, dans les campagnes, c'est l'agriculture, et dans les villes, c'est des petits businesses familiaux, la boutique ou l'atelier est souvent la maison même, ou alors est dans la rue.
Mais la plupart ne sait de quoi il en retourne exactement. Il n'y a souvent pas de distinction entre l'argent pour les dépenses personnelles et pour le business.Ils savent à peu près combien ils gagnent par jour. Par contre ils sont plus forts que nous en calcul mental, me disait Phalkun, la responsable des formations (à part mon boss, tout le monde est Khmer ici, l'agence, appelée Chamroeun (« le progrès ») est dirigée par un Khmer aussi; Entrepreneurs du Monde supervise, coordonne). Il n'y a souvent pas la notion de force de travail non plus, de toutes les dépenses à soustraire pour savoir quel est le profit réel. C'est pour cela qu'une agence de micro-crédit fait aussi beaucoup de formations, pour apprendre aux gens à gérer leur argent, et donc savoir combien emprunter, comment épargner, pour mieux rembourser, et faire des plans d'avenir et d'expansion.
Les jeunes que j'ai interviewés ont un niveau de scolarité équivalent en moyenne à la 5ème, mais il y en a aussi qui ont le bac et plus. En effet, d'autres ONG, tels que Enfants du Mékong, veulent former des jeunes de haut niveau, et certaines formations sont ouvertes à d'autres étudiants donc j'ai parlé aussi à des étudiants des universités. Ces dernières poussent comme des champignons, mais l'enseignement n'y est pas toujours de qualité, et on peut même parfois acheter son diplôme ! L'exemple le plus frappant parmi ceux qui ont répondu au questionnaire était un étudiant en Master de finances qui avait pour ambition d' « ouvrir une banque », en toute simplicité, avec « 100.000 $ » comme capital de départ, provenant... d' « économies personnelles », ben voyons! Et le pire, c'est qu'il ne voyait pas où était le problème...

En même temps, mon travail était de contacter d'autres centres de formation pour savoir s'ils avaient déjà ce type de formation, et s'ils avaient des étudiants intéressés par l'auto-emploi que nous pourrions interviewer.

Entrer en contact avec les gens, c'est du sport !

Ce travail de contact a été incroyablement lent. N'ayant pas de contacts personnels, j'ai dû écrire des mails, avoir des conversations de sourds surréalistes, me faire raccrocher au nez au téléphone parce que la personne ne comprenait pas l'anglais. Puis peu à peu, j'ai obtenu des cartes de visite, des noms sur qui fait quoi. Et tout de suite, c'est allé beaucoup mieux. Mais souvent, j'ai eu affaire à plusieurs personnes dans la même organisation avant d'arriver à avoir les infos que je recherchais !

Sans compter les déplacements pour les rendez-vous. D'abord, comprendre où se situe le centre de formation sur la carte de la ville. D'accord c'est quadrillé avec des numéros, mais c'est pas si simple, sinon ce serait pas le Cambodge ! Il y a des quartiers, et il faut pouvoir prononcer les noms. Les moto-dop ne savent pas lire une carte, notre prononciation les déroute. Il faut pouvoir donner un repère (genre un marché), et lui faire des signes pour aller à gauche à droite, ce qui est difficile quand on y est jamais allé. Le plus souvent on tourne, on tourne. Quand on trouve toujours pas et que je comprends qu'on est paumé (80% des cas), j'appelle quelqu'un du centre en question et je passe le portable au moto-dop. Une fois, j'en ai eu tellement marre que j'y suis allée en vélo, mais pas de pot, je me suis trompée d'antenne! Après j'ai pris une moto pour arriver quand même au rendez-vous, le gars ne trouvait pas, il s'est mis à pleuvoir...J'ai dit au gars de faire demi-tour. Des fois, faut savoir lâcher prise !

Sur ce, à plus!



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lundi 4 mai 2009

A Kratie, chez la famille Pat

Alors voilà. (Entre parenthèses, un ami m'a dit que ces deux mots le faisant penser à chaque fois à Brigitte Bardot : « Alors voilâââ.... » ! Mais nos points communs s'arrêtant là, je peux continuer sans risque de confusion !). Ayant trois jours de week-end grâce au 1er mai, je suis allée à Kratie, à plus de 6 h de bus de la capitale (à l'aller on a mis 8h... faut être motivé !)..., une toute petite ville au bord du Mékong, située à l'opposé des circuits touristiques classiques.

 

Kratie

C'est tout petit et très tranquille. Les deux attractions sont la promenade au bord du fleuve, et le marché (comme tous les marchés ici); ah et j'oubliais : les dauphins d'eau douce, fierté locale, mais il faut payer 12 dollars entre la moto et le bateau pour y aller, alors j'ai décliné, j'ai déjà vu d'autres dauphins dans ma vie !

Le lendemain matin, debout à 6h : le soleil se lève plus tôt et se couche plus tôt, alors je me suis vite mis au rythme, pour profiter de la fraîcheur; d'autant que mes soirées sont tranquilles : je mange à 19h, comme chez ma grand-mère, non, même plus tôt ! et puis lecture (un bon livre est indispensable quand on voyage seul) et puis dodo vers 22h après avoir écrasé plusieurs cafards volants (5 la première nuit, et un seul le lendemain, mais sur mon lit !) ; ils doivent être attirés par la lumière ! Ça prend du temps, il faut attendre qu'ils se posent, en priant pour que ce ne soit pas sur le lit !

Un petit guide touristique très bien fait indique des balades à faire dans le coin; je loue un vélo, et à 7 h du matin me voilà partie. Tout le long de cette petite route le long du Mékong, ce ne sont que des « Hello ! » lancés par tous les petits enfants mais aussi par les adultes, tout sourire. C'est bien agréable de bon matin ! Les maisons à la campagne sont quasiment toutes sur pilotis, certaines sont très modestes, d'autres vraiment très belles et spacieuses.

 

« Visite guidée » inattendue

Au bout d'une heure, à m'arrêter tous les 100 m pour prendre des photos, un jeune garçon à moto (il semble avoir 12-13 ans, en fait il en a 16) engage avec moi une discussion en anglais ; il est avec son petit frère (de 1 an et demi!) se tenant debout le nez dans le guidon au sens propre ! Je le prends d'abord pour une petite fille car il porte une robe. Il me demande si je veux visiter la « pagoda », le temple qui est juste à côté; il y en a dans chaque village, souvent monumental. Les quelques moines, tout jeunes, se tiennent à l'écart (j'ai appris dans les guides qu'une femme n'a pas le droit de toucher un moine...; sage précaution, car ils peuvent défroquer quand ils le veulent ! le statut est très souple, on peut être moine quelques mois, quelques années avant le mariage, ou le rester; pour bien des jeunes, c'est souvent simplement l'assurance d'être nourris et logés).

On fait le tour, et avant de partir on joue avec son petit frère avec les 12 animaux du zodiaque chinois : le tigre, le cochon, la chèvre...qui sont représentés sous forme de petites sculptures. Le petit Sothea est fasciné et coup de chance pour lui, il a juste la taille qu'il faut pour monter dessus ! Tournez manège ! Bona, son grand-frère, me dit qu'il veut devenir médecin, mais que comme il est pauvre il veut faire guide d'abord, c'est pour ça qu'il pratique son anglais avec les étrangers dès qu'il peut. Il me dit qu'il doit faire des courses pour sa mère mais que je suis la bienvenue chez lui. On se salue; je lui donne un dollar pour le remercier de cette visite guidée en lui disant de le mettre dans sa future cagnotte de médecin...

 

Chez la famille Pat

Une heure plus tard, j'étais sur le chemin du retour (9h, il fait chaud !), et le voilà qui me rattrape : « Tu peux venir chez moi si tu veux ! » Je ne me fais pas prier ! Et me voilà dans la petite maison de la famille Pat, tout en bois. À côté vit la tante de Bona, et la plus belle et la plus grande des maisons voisines appartient à la grand-mère.

Quand j'arrive, la mère me dit (son fils traduit) en riant : « Voilà la maison (ptea), désolée, c'est très simple, nous sommes pauvres ! »La maison des Pat doit faire 12 m2 avec la cuisine un peu en retrait,- on cuisine au charbon. Et en guise de salle de bains, il y a le Mékong qui est a une dizaine de mètres ! Les trois enfants (Bona est l'aîné) dorment dans le lit fermé par des rideaux. Les parents et le petit dernier, Sothea, dorment sur une natte par terre.Les vêtements sont entassés dans une petite penderie et sur un porte-manteau. Il y a aussi une petite télé très vieille, et par terre un petit autel pour les esprits protecteurs de la maison qu'ont tous les Khmers dans leur maison ou à l'entrée et devant lequel ils font brûler de l'encens régulièrement.

 

Séance de pose-photos !

La maman de Bona me dit qu'elle est très contente que je sois là; ils ont plusieurs photos de touristes qui leur ont rendu visite. Elle veut savoir ce que je fais en France, et me tape sur la cuisse en riant quand je lui dis que je suis professeur, ça lui plaît beaucoup; la tape semble être un signe d'affection, elle donne souvent des petites tapes en riant à Sothea. Depuis j'ai remarqué que tout le monde fait ça aux petits enfants, en plus des bisous. Elle veut savoir combien je gagne, je ne lui dis pas pour ne pas créer de malaise mais je lui explique que la vie est beaucoup plus chère en Europe.

 

Je prends des photos pour garder un souvenir, et c'est alors que la visite de cette famille si sympathique se transforme en véritable séance de pose-photos !! Il faut savoir que ici les gens adorent poser en couple avec des fonds kitch genre hôtel de luxe, ou alors avec des habits khmers traditionnels ; le principal point de mire est bien sûr le petit dernier… C'est le fou rire quand le petit Sothea, sur la demande de sa mère, se met à faire des clins d'œil ! Il rit quand il se voit en photo ! Il va être changé et revêtu de ses plus beaux atours, son grand frère lui fait prendre la pose, alors que lui voudrait juste lire mon petit fascicule de tourisme qui contient des images, mais il se laisse faire. Bona me laisse son adresse pour que je lui envoie les photos. Quel bon moment j'ai passé avec eux ! J'espère les revoir quand je reviendrai.

 

Sur l'ile d'en face

Je l'appelle l'ile d'en face car j'ai oublié le nom ! Elle fait face à Kratie et il n'y a que 5 min de bateau à faire. Le bateau, ou plutôt la barque, c'est encore le grand frisson avec tout ce qu'il ya dessus…il va falloir que je m'habitue ! Sur la petite ile (9 km de circonférence, idéal pour ma balade de l'après-midi), bonheur : pas de voiture. Les gens toujours très avenants. Des petits garçons qui recueillent les mangues m'en offrent une ! Et puis plus loin, je vois des maisons flottantes, vietnamiennes parait-il ; je remarque qu'elles ont toutes une antenne TV ; comment font-ils ?? Si vous avez la réponse, écrivez-le-moi dans les commentaires !

Pendant que je guette la barque pour le retour, une femme qui lave ses habits et qui vient de se laver aussi puisqu'elle a les cheveux mouillés et porte un sarong, engage la conversation dans un bon anglais. Elle m'apprend que tous les matins à 3h30 elle va vendre des légumes au marché. Elle s'excuse de son anglais, alors qu'il est bon, elle n'a pris que trois mois de cours car me dit-elle en riant « je suis pauvre »… Elle a 40 ans, et c'est la première femme non mariée que je rencontre ; « personne ne me plaisait », me dit-elle. Encore une fois, quelle rencontre ! Et ce n'était pas fini…

 

A l'école !

Après avoir débarqué du bateau, je vais dans une guest house pour me renseigner pour le bus du retour ; la fille du proprio, une jeune fille pas timide du tout de 13 ans me dit : « Je vais à mon cours d'anglais, tu veux venir avec moi ? » Et ben tiens, je ne vais pas dire non ! Quelle journée incroyable !  Le professeur est très accueillant. Il me demande de faire un jeu avec les élèves ; la seule idée qui me passe par la tête est de faire un pendu ! Hélas le mot « tomorrow » n'a trouvé aucun adepte, même lorsqu'il ne manquait plus que le m…

Pendant l'exercice de conjugaison, alors que quelques gamins sont plutôt dissipés, et que certains au fond jouent plus ou moins discrètement avec leur portable, il sourit tout le temps et a une patience d'ange ; il applaudit même quand la fille qui pousse toujours de grands cris trouve une bonne réponse au tableau.

Je prends congé en le remerciant. Le cours m'a laissé un peu perplexe, mais un peu plus je l'aurais embrassé tant cet homme respirait la bonté !

 

A la fin de cette journée, je me dis ca valait le coup de faire tant de bus : de telles rencontres n'ont pas lieu dans la capitale, enfin pas tous les jours, -en tout cas pas autant en un jour !

A la prochaine…

 

 

 



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mardi 28 avril 2009

Rencontre avec un des trois derniers survivants du S-21 !

Alors voilà. Dimanche dernier, je me suis dit : « Allez, ça y est. Tu peux y aller maintenant. » Sous-entendu, au musée du génocide. Je me sentais prête, il fallait que je voie.

Le lieu se situe dans ma rue, la rue 113, sachant que la ville est dessinée d'après un plan quadrillé. Les nombres impairs sont orientés nord-sud, les pairs est-ouest, ce qui fait que quelqu'un habitant sur la 114 n'est pas du tout, mais pas du tout mon voisin. J'ai donc suivi ma rue, découvrant qu'elle était vraiment très chouette au sud comme au nord : étroite, donc pas beaucop de circulation, et avec plein de petits commerces; bon, il y en a partout, mais dans ma rue, ça fait encore plus famille.

 

Au S-21

Et puis m'y voilà : se dire que le lieu de tant d'atrocités était à l'origine un lycée laisse songeur. C'est un lycée avec trois batiments de trois etages, tout ce qu'il y a de plus banal. Il y a de beaux frangipaniers qui embaument, sauf qu'en dessous, il y a 14 tombes blanches. Elles contiennent les corps mutilés découverts lors de la libération par les Vietnamiens (il y en existe des photos dans le musée; on devine des corps humains, ensanglantés, tordus de douleur, on ne reconnaît toujours la forme de la tête).

Le lieu s'appelle Toul Sleng, plus connu sous le nom de S-21, Security Office 21, censé ironiquement apporter la sécurité...puisque les personnes emprisonnées, torturées puis executées, -20 000 au total, en seulement trois ans ! entre 1975 et 1978, eh oui, il y a seulement trente ans, ce n'est pas si loin...-, étaient censées être de dangereux agitateurs, femmes, adolescents, enfants, bébés et vieillards y compris. La durée de leur supplice était entre deux et quatre mois, plus pour les anciens membres en disgrâce.

 

Intellectuels : contaminés par le capitalisme !

En vrai, quel avait été leur crime ? Certains avaient des idées communistes, et n'étaient pas forcément opposés dans le principe; mais ils n'imaginaient pas l'interprétation sanguinaire que Pol Pot et sa clique en donnerait... Ils avaient commis le crime de simplement vivre en ville, d'avoir été à l'école, d'avoir des professions dites intellectuelles (médecins, professeurs, -ce qui encore une fois est ironique quand on sait que Pol Pot lui-même était professeur, ainsi que son bras-droit...; effectivement certains intellectuels sont dangereux, et le savoir ne suffit pas pour donner de l'humanité), le crime d'être moine (des temples ont été détruits; celui qui est sur une colline à Phnom Penh servait de cuisine, tandis que la Bibliothèque Nationale, les Khmers rouges ayant le sens du symbole, fut convertie en porcherie !) ou simplement le crime de porter des lunettes (la femme d'un dirigeant dira dans un documentaire filmé en 1979 que non les gens qui portent des lunettes n'ont pas été exécutés, et la preuve, c'est qu'elle en porte, elle des lunettes ! la mauvaise foi dans toute sa splendeur); bref tous ces gens étaient contaminés par le capitalisme, il fallait les en guérir.

 

Esclavage dans les campagnes

En avril 1975, une fois les Khmers rouges au pouvoir, les villes ont été évacuées, soi-disant parce que les Américains allaient les bombarder. En fait, chaque famille a dû marcher des journées durant jusqu'à des contrées reculées pour s'établir dans des villages où le vertueux travail de la terre allaient les réformer; cela s'accompagnait de la perte de leurs droits : impossible de se déplacer sans autorisation, travail sept jours sur sept. Le communisme y était à plusieurs vitesses, on s'en doute : le chef de village était généralement fort gras; les soldats avaient tous les droits.

Les productions de riz (toute importation avait cessé , pour que le Cambodge retrouve par l'autonomie son ''pouvoir d'antan'') étaient insuffisantes pour à la fois payer les armes à la Chine et les camions (il fallait bien concéder ces produits, de base comme l'on peut en juger, au capitalisme...), et nourrir ces nouveaux esclaves, détestés par le ''peuple de la base'', les paysans de pure souche, généralement un peu mieux lotis, n'ayant pas à tout partager avec la communauté et surtout ne vivant pas dans la crainte d'être exécutés. Beaucoup de  ces anciens citadins déplacés sont morts de malnutrition et de dyssentrie. Le livre  Au début, ils ont tué mon père  raconte bien cet exode vers les campagnes et la vie qu'ils y ont mené; l'auteur n'était qu'une tout petite fille quand ils ont été évacués. Elle rend très bien l'atmosphère de cette époque, et rappelle le ton d'Anne Frank, par son énergie vitale et son absence d'apitoiement sur soi.

 

Tortures et massacres

Pourquoi, en plus de cela, des arrestations, des tortures ? Parce que c'est le règne de la terreur. Parce qu'il fallait des noms. On dit qu'il fallait dénoncer une soixantaine de personnes !

Les tortures consistaient en plus des coups, à tordre les doigts ou les orteils à l'aide d'une tenaille, ou à couper les tétons, et y appliquer des sangsues; toutes les tortures à base d'eau (cf méthodes américaines récentes...). Il y avait des peintures qui les représentent.Quand ils estimaient avoir fini leur tâche, ils achevaient leur supplicié à l'aide de matraque ou de hache, pour économiser les munitions.  Pour tuer les bébés, ils les projetaient contre les arbres.

Dans ce génocide qui a compté deux millions de Khmers, -soit un quart de la population !, il y a eu aussi des enfants soldats qui exécutaient à eux seuls plusieurs centaines de personnes à la mitraillette. J'ai vu un documentaire où un enfant de 10-12 ans dit qu'il a tué trois cents personnes, y compris d'autres enfants.

 

Rencontre d'un des trois derniers survivants !

J'étais dans une des salles contenant les photos de tous ces détenus (le photographe est toujours en vie; aux dernières nouvelles, il vendrait les souliers de Pol Pot aux enchères (!), il est gouverneur de province et se porte comme un charme),  et je regardais ces visages d'hommes, de femmes, d'adolescents, d'enfants, qui semblent vous regarder et vous prendre à témoin. Certains, pressentant peut-être ce qui les attend, ont l'air d'avoir déjà perdu la raison.

C'est alors que j'ai vu un homme d'un certain âge s'allonger montrant comment les prisonniers étaient attachés. J'ai cru d'abord que c'était un guide, je me suis approchée. Il y avait avec lui un interprète et un homme prenant des notes. Ce dernier, un journaliste, m'apprend que cet homme est  un des trois survivants de ce centre ! Si je ne me montre pas dans l'orthographe de son nom, il s'appelle Chum Mai. Il témoigne au procès qui se tient contre les Khmers rouges depuis un mois maintenant.Il était au centre depuis deux mois quand les Vietnamiens sont arrivés. Il a eu un doigt et un orteil tordus, il dit que ce n'est rien en comparaison. Il a eu la chance d'être plutôt épargné parce qu'il était mécanicien, et leur était utile. Il ne sait pas pourquoi il a été arrêté. Il avait 48 ans à l'époque. Quand il est revenu sur les lieux, il dit qu'il n'arrêtait pas de pleurer. Mais il pense que c'est une bonne chose qu'il y ait des visites pour les touristes et pour les Cambodgiens, pour que les gens sachent.

Ce monsieur si digne m'a émue.

De même que m'a émue un monsieur de 88 ans qui se baignait à côté de nous avec sa fille et ses deux petits-enfants sur la côte, à Kep; il a entendu que mes amies et moi parlions français et s'est adressé à nous avec un français impeccable et, avec une énergie juvénile, nous a récité la tirade du Cid : « Rodrigue, as-tu du coeur ? » Après un bon moment de discussion à propos de choses et d'autres, toujours en nous baignant, il m'a dit que les Khmers rouges avaient tué son unique fils.Il était professeur de mathématiques et de boxe mais était respecté par les Khmers rouges selon ses dires; il avait dit à son fils de rester avec lui, qu'il ne risquait rien avec lui, mais son fils ne l'a pas écouté : il a voulu rejoindre sa jeune fiancée, à Battambang, et il a été exécuté. Et là, il m'a dit : « Quand je parle de lui, je ne peux empêcher mes larmes de couler. »

 

Absurdité et propagande

J'ai vraiment le sentiment de vivre une page de l'histoire, une histoire, qui m'était étrangère il y a un mois à peine, me tient à présent à coeur. C'est peut-être parce qu'on se demande ce qui pousse les hommes à se comporter comme des brutes, des machines à faire souffrir et à tuer, à la chaîne, en toute bonne conscience, pensant sincèrement défendre une idéologie, censée, comme toute idéologie totalitaire, apporter la solution, ou, plus simplement, obéissant sans états d'ame aux ordres d'un supérieur. Tout cela est tellement absurde et grotesque (on a meme prétendu qu'un bébé était membre de la CIA !)....Certains anciens Khmers rouges ont dit qu'il faut parfois "quelques sacrifices pour la grandeur d'un pays", faisant un parallèle avec les personnes mortes dans la construction du temple d'Angkor...

Kafka avait pressenti tout cela chez l'homme, quand il a écrit Le Procès, où le héros se fait arreter un beau matin sans raison, et où il doit se défendre d'un crime qu'il ignore, puis fini exécuté dans une fosse par deux bourreaux. Ou dans la Colonie Pénitentaire, où le supplice est de graver dans la peau le crime commis; le bourreau, désespéré de ne plus pouvoir bien faire son boulot, se met à son tour dans la machine...

Le troisième étage de Toul Sleng présente une exposition de photos prise par une délégation de Suédois maoïstes pendant le régime des Khmers rouges. Un des membres de cette délégation raconte comment il s'est laissé berner lors de sa visité guidée du pays, très guidée on s'en doute. Il avait remarqué qu'il y avait  des hôpitaux tout neufs mais qu'ils ne contenaient pas de patients. Il avait vu quelques écoles. Tout était orchestré pour faire illusion. Il s'excuse pour n'avoir pas vu au-delà et avoir participé à son insu à la propagande de ce régime. Mais qui peut imaginer que dans un lycée tout proche, on exhorte les prisonniers à '' ne pas trop hurler quand on les frappe'' (extrait du règlement); qui peut imaginer que l'on a fait de ce lieu une boucherie ?

 

Demain au procès des Khmers rouges !

Et voilà que demain, je vais assister à une audience du procès des Khmers rouges ! Là aussi, coïncidence, c'est ma binôme khmère, Dany, qui m'en parle ce matin : Sébastien Marot, le directeur de Friends International a accordé la matinée aux Khmers intéressés pour  y assister. Je décide de m'y greffer, avec l'accord de mon boss. Il faudra que je m'y rende deux heures à l'avance, soit à 7h, pour avoir une chance d'être parmi les 50 places pour le grand public, les autres places étant réservées aux familles des victimes, aux ONG, et aux représentants diplomatiques. J'espère que ça va marcher. J'ai envie de savoir à quoi ça va ressembler. Évidemment cela ira à pas de fourmis, les procès doivent durer encore jusqu'en juillet, si j'en crois le papier du tribunal. Cela sera sans doute plus long... quoique, je n'en sais rien.

Et si le fameux Dutch, de la clique de Pol Pot, et d'autres allaient enfin payer ?

 



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