Alors voilà. Quand on voit de belles choses, ou quand on vit de belles choses, on a parfois envie de se taire, comme pour les garder intactes. C'est la tentation que j'ai eue avec nos vacances de Noël dans le sud du Gabon... Et puis non, me suis-je dit, il s'est passé trop de choses lors de notre voyage et puis on a eu la chance de voir des animaux sauvages (et des gros!). Ça doit se raconter !
Avant de parler des animaux (ce sera le 2ème épisode de cette saga !), je dois parler de notre road trip, incontournable pour Francesco. Le retour se fera en avion, incontournable pour moi, pour ne pas revenir détruite par deux jours de taxis brousse, qui ont été aussi bien sûr le sel de ce voyage qui sinon n'en aurait pas été un...
A Lambaréné, chez le Dr Schweitzer
Au départ de Libreville vers Lambaréné, qui se fait en 4h de route, nous trouvons un taximan qui nous dit : « Moi, je roule tranquille ». Il met la musique à fond et les 2 premières heures de route, il slalome entre les nids de poule qui sont légion et profonds et qu'il semble connaitre par cœur. Les 2h suivantes se font sur une route impeccable, mais c'est alors que le taximan monte à 110 km/h et là on s'est mis à regretter les nids de poule. Les gens sont nombreux à marcher au bord de la route et je me suis dit tout le long : "Pourvu qu'on ne fasse pas un strike à chaque tournant". Quand je lui ai demandé de baisser le volume parce que j'avais mal aux oreilles pour de bon, il l'a fait, puis deux minutes après l'a remonté. Sic. Je me suis quand même endormie, chose incroyable ; ça doit être l'african power ! C'est plus fort que toi !
Arrivée à Lambaréné |
Nous sommes déposés dans l'immonde quartier Isaac, dépeint pudiquement comme « très animé » dans le Petit Futé, qui ne porte pas toujours bien son nom...
Dans toutes les villes que nous allons traverser, la nuit il règne une atmosphère étrange, car il y a des réverbères mais aucun n'est allumé (cela doit coûter trop cher à la municipalité : l'électricité coûte le même prix qu'en France ! tiens, comme c'est curieux, Veolia est partenaire de la compagnie locale d'électricité !). On voit les gens au dernier moment, quand on passe devant une boutique, ou quand des voitures passent. Bref, autant vous dire que ça ne donne pas très envie de flâner, même si à aucun moment on ne se sent en insécurité , l'atmosphère est paisible, il y a des femmes, des enfants. De toute façon, on se couche tôt et on se lève tôt ici ; bref, on vit avec le soleil !
En fait de ville, c'est des petites maisons alignées, il n'y a pas d'urbanisme, pas de « centre », mais au moins, à Lambaréné, c'est agréable de se balader à pied, contrairement à Libreville, où il y a trop de circulation.
Petites maisons datant de l'époque coloniale |
Anciens pavillons des lépreux |
Nous passons aussi un agréable moment à observer le chargement de bateaux sur le fleuve. Personne ne fait attention à nous. Aucun touriste dans les parages, comme dans aucune des petites villes où nous irons. Le tourisme en est vraiment à ses balbutiements au Gabon ; c'est dommage car dès qu'on veut découvrir des choses un peu éloignées des axes routiers, c'est compliqué, ou cher, ou les deux ! L'avantage, c'est qu'on n'est pas avec plein de touristes...
Embarcadère |
De Lambaréné à Mouila, plus au sud, route magnifique, toute neuve. « Ah les Chinois, ils font des bonnes routes, c'est pas comme les Français ! » nous dit notre taximan, à la conduite irréprochable cette fois. Tout en disant cela, il prend avec son téléphone une photo les Chinois dans leur tractopelle !
« - Bah oui, mais les Gabonais, ils font quoi en attendant ? » je pense très fort. Tout est sous-traité au niveau routier, c'est impressionnant...
À Mouila, attente de deux heures à la gare routière où il n'y a aucun bus, que des taxis privés. Nous montons à l'arrière d'un pick-up, car nous n'avons pas réservé de « cabine » (ce qui désigne les places à l'avant du pick-up, à peine plus chères qu'à l'arrière, ce qui est étonnant) et elles sont déjà toutes prises. Je me suis dit : « Bah, s'ils le font, je peux le faire ! ». Il n'y avait « que » 3 heures de route. La première heure était marrante, on s'est pris en photo, tout couverts de latérite (c'est ce qu'on met comme revêtement sur les pistes, c'est une pierre de couleur rouge).
La deuxième heure, la jeune fille d'à côté (on était six derrière, 4 recroquevillés, et 2 debout, plus les bagages) a commencé à vomir par dessus bord. Malgré cela, un gars la draguait tout en se moquant d'elle gentiment, pour « dédramatiser » je suppose ! Après, on nous a mis une petite antilope juste au dessus, sur les bagages (les gens raffolent de la viande de brousse, nourriture de leurs ancêtres comme ils disent, malgré les interdictions ; parfois ces animaux sont confisqués par des gardes de parc naturel), la jeune fille a verdi encore davantage. Moi je commençais à avoir mal partout.
Chargement d'une petite antilope achetée sur le bord de la route |
Couverts de latérite |
Noël à Mayumba
Mayumba est sur la côte tout au sud, c'est complètement paumé. Ce petit village a beaucoup de charme, la plage est déserte et splendide.
On a fait des connaissances sympas : un Espagnol qui compte les tortues qui vont pondre la nuit dans un parc naturel voisin et qui pour cela marche 10 h par nuit, un vieux monsieur français de 86 ans nommé M. Seguin qui est un peu un bienfaiteur de la localité, un professeur camerounais qui nous a parlé de ses businesses (les profs ont souvent une 2ème activité), un ingénieur italien qui construit un pont et qui vit confiné dans son hôtel dans la lagune avec les trois autres expats italiens, un pizzaïolo béninois nommé Félix, qui, le jour de Noël, alors qu'on n'en pouvait plus de manger du riz-poulet frit de l'unique petite cafétéria, nous a concocté une délicieuse pizza avec des ingrédients complètement improbables dans cette région à 10h de route de la capitale, qui manque de tout (les produits manufacturés sont importés de Libreville; nous n'avons pas trouvé de fruit ni de légume sur les étals du petit marché, que des piments! Les gens ont leur propre plantation vivrière apparemment). « La pizza préférée des gens ici, c'est la Vosgienne !! » nous dit-il. Rigolo !
M. Seguin, le doyen de Mayumba, nous raconte sa vie |
Félix, le roi de la pizza de Mayumba ! |
Le troisième trajet riche en émotions les dépasse tous : c'était entre Tchibanga (où nous avons dû remonter faute de route entre les villes de la côte) et Gamba, ville pétrolière, royaume de Shell (il y a la plaque Shell qui souhaite la bienvenue quand on y arrive !). La route n'est même pas tracée sur la carte, pour la simple raison qu'il n'y en a pas ! Évidemment, il fallait que nous la prenions ! De 7h de trajet prévu, ça s'est transformé en près de 12h !
Nous étions 12 dans une Toyota Land Cruiser. À 9, ça aurait été royal, à 12 avec une dame obèse à côté de nous, c'était le supplice. Avec Francesco, nous étions à deux à cheval sur le strapontin.
Notez mon sourire crispé... |
À un moment, on a fait la traversée d'une rivière avec des rapides à la Indiana Jones : une fois la voiture mise sur un petit bac, à la force de poignées, les hommes ont tiré les cordes et hop, on a traversé ! Qui a dit qu'on a besoin de pont ?!
On traverse une rivière sur un bac tiré à l'aide... de cordes ! |
Le coup de la panne dans la savane |
Les militaires à la rescousse ! |
Enlisés dans les sables |
Traversée d'une "flaque" ! |
Et on n'est pas dans la saison des pluies ! |
A plus !
Génial! Merci pour le partage de votre voyage !
RépondreSupprimerMerci Alex !! c'est comme si on y était !
RépondreSupprimerEt j'avoue que profiter de toutes ces aventures les pieds au sec dans le salon, sans avoir besoin de se doucher après le bain de latérite, c'est super génial !
Encore, encore !!!
J'attends les éléphants de pied ferme !
Bisous à vous deux, à bientôt !
Un grand coucou a nos deux aventuriers préférés! Merci pour tous ces épisodes croustillants, entre le pont(bac et cordes!!),et la suprême théorie des races de la dernière fois, je me régale.Je connaissais déjà leur culture grâce a mes amis africains étudiants, mais là de la voir racontée avec de tels détails ,venus du fin fond de l’Afrique, je me délecte.Bises a tous les deux...et vivement la suite!
RépondreSupprimeroh merci merci Alex, à te lire je suis dans le bonheur le plus total. De ton carnet de voyage tout me plait, tes photos, tes descriptions, tes refléxions, ton humour, mais surtout surtout vos yeux, vos regards limpides et lumineux. J'attends impatiemment la suite et ne garde seulement pour toi ces aventures comme tu en avais la tentation, j'ai faim de voir et lire encore et encore.
RépondreSupprimersara, une mère heureuse
Bravo Alex pour ce reportage ! J'ai souris souvent, et ça m'a rappelé de sacrés souvenirs d'Afrique (notamment les fins de parcours en brousse couverts de latérite bien rouge).
RépondreSupprimerJ'attends la suite avec impatience. Belles qualités d'écriture ! Bise.
Jean-Bernard
Et voilà j'ai envie de repartir!! :) Super votre voyage! Céline
RépondreSupprimerC'est avec plaisir que j'ai découvert votre récit. J'y ai reconnu M Seguin, personnage haut en couleur, dont j'avais fait la connaissance à Doussala, à la Compagnie Equatoriale du Bois ( CEB ) en septembre 1972. Je le rencontrais quelques fois jusqu'à mon départ de la Nyanga en septembre 1982. A sa retraite, M Seguin s'est installé à Mayumba où il vit, je l'espère, des jours heureux.
RépondreSupprimerJ'ai publié un lien sur ma page facebook afin d'élargir le champ de vos lecteurs.
Bien à vous !
Merci Jean-Claude ! Oui, M. Seguin va bien, il est même en pleine forme. Il nous a raconté sa vie, qui est un roman ! Merci pour le partage ! A bientôt peut-être.
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