dimanche 31 janvier 2010

Contentements dans le contentieux

Petite chèvre cambodgienne mangeuse de noix de coco (si si, il y a un rapport)

Alors voilà.
Vous vous rappelez peut-être que je suis à la recherche d'autres voies que le professorat (c'est 42 ans aujourd'hui qu'il faut effectuer comme bons et loyaux services, je n'en suis qu'à 9 et cette perspective plus que bouchée m'effraie un tant soit peu!). Mais les voies du Très Grand sont parfois... comment dire ? inexplicables, et surtout parfois très cocasses comme en ce moment où je bosse dans le contentieux, mais oui le contentieux...

Suite à ma mésaventure avec Excel à Auchan (cf post précédent), j'ai appris que l'agence d'interim avait fini par envoyer un informaticien, ce qui a soulagé grandement mon ego amoché dans cette sombre histoire. Non, je n'étais pas une incapable, et ouf, l'honneur était sauf !

Et puis, il y a deux semaines, je reçois un coup de fil de ladite agence (la dame qui me suit est une dame adorable qui s'appelle Christine) :
- Vous connaissez le contentieux ?
- Euh, non....
- Vous apprendrez; c'est une agence immobilière qui cherche une assistante polyvalente intelligente et aimable pour le service contentieux, j'ai pensé à vous !
- Ah c'est gentil....
- L'embêtant c'est que c'est à G***... c'est un peu loin.
- Ah, ben je vais regarder sur le site de la RATP, et puis je vous rappelle...

Alors ça indiquait qu'il fallait 45 min, pas de quoi fouetter un chat (en fait il s'avère que j'ai mis une fois 45 min, la règle c'est 1h, 1h15). J'ai dit ok, c'était pour le lendemain.

Alors pour tous ceux qui comme moi avant, en ont une idée floue, le contentieux, ça désigne juste ceux qui ne paient pas. Voilà, c'est tout simple.

Je me pointe dans cette sinistre banlieue, le long du RER D. G*** est une petite bourgade qui aurait pu être coquette, mais ça sent, comment le dire ? ça sent le rance, tout paraît moisi... Pas loin, un bar PMU... des visages sinistres. La grisaille encore plus grise.
L'agence immobilière est immense à l'arrière de la boutique. Une vingtaine de gens y travaillent ! En fait, ils s'occupent de gérance et de copropriété, les mamelles de leur activité, avec la location et la vente.

Alors au début, je ne comprends rien à rien. Ma plus grande activité consiste à le cacher et à essayer de comprendre ce qu'on veut m'expliquer... Il me faut classer une pile de 40 cm d'épaisseur de papiers en tous genres : huissiers, avocats, courriers des particuliers. Repérer les codes pour savoir où classer dans les multiples classeurs et dans les hamacs (mignon n'est-ce pas ?) qui soutiennent des dossiers qui dorment et se balancent...
Je passe une journée et demie à cette besogne, la tête inclinée à gauche pour lire la tranche tout en me demandant : "Mais qu'est-ce que je fous là ?"

Les transports sont folkloriques : métro, RER, puis bus, qui part souvent au même moment que le RER arrive, donc on court dans l'espoir de ne pas avoir à attendre 12 longues minutes dans le froid. C'est le progrès. Si on avait vécu 30 ans auparavant, on aurait planté des betteraves sans doute. Aurait-on été plus malheureux qu'en rentrant des chiffres sur un logiciel ? Je ne sais pas.

J'arrive, il fait nuit. Je repars, il fait nuit. Cette anormalité est normale puisque tout le monde le fait. 9h-18h, 39 h par semaine, ce sont les horaires de bureau, horreur de bureau !

Mais peu à peu je me sens utile, j'accomplis d'autres tâches en ma qualité d'assistante polyvalente : je rentre des chèques différés; une vraie cochonnerie ces chèques différés : chacun peut les mettre à la date qu'il veut dans le mois, mais moi je dois les regrouper par jour, ça me prend une demie-heure par jour !
Je fais aussi des quittances manuelles, eh oui, manuelles, on est au 21ème siècle, tout est sur l'ordi, mais il faut le faire à la main, cherchez pas, c'est comme ça (il faut que les gens paient pour l'avoir informatisé, comme ils paient pas mais qu'ils y ont droit, c'est bibi qui s'y colle !).

L'ambiance est sympa, ça aide. Le matin, je réponds au téléphone, j'adore ! Les gens sont tellement heureux quand on s'occupe d'eux ! Comme une personne me demandait l'état de son compte et qu'il n'avait rien à payer (chose rare, on est dans le contentieux !), je lui ai dit : "Ça va, Monsieur, vous êtes en règle !" -"Circulez !" ont ajouté mes collègues d'à côté en pouffant.

Bref, voilà, s'il n'y avait pas la fatigue des transports, ça irait. J'ai l'impression que je fais ce métier depuis 20 ans ! Notre secteur est un des plus gros secteur de contentieux en France, c'est dire l'état de dégradation sociale... J'ai appris qu'expulser quelqu'un est très difficile et que certains en profitent (si l'on peut dire, car je ne pense pas qu'ils doivent avoir une très belle vie...), certains n'ont pas payé un centime depuis 4 ans, et doivent 25 000 euros... Une fois que toute la procédure est faite (ce qui est très long, car on cherche des solutions à l'amiable, on relance, on propose d'étaler les paiements), ça prend souvent 1 à 2 années, il faut que la Préfecture intervienne, au besoin avec les gendarmes, et parfois elle ne le souhaite pas si elle est "sociale".

Un vendredi, en revenant, j'ai pu enfin voir le paysage car le vendredi on sort une heure plus tôt. Alors, j'ai vu sur la ligne du RER D, juste avant Sarcelles un homme sur un toit de tôles, en train de le réparer... en regardant plus attentivement j'ai vu avec stupeur d'autres maisons en tôle à côté, et encore d'autres couvrant toute une petite colline...oui, je n'en croyais pas mes yeux, mais c'était bel et bien un bidonville qui était, pudiquement caché par une haie !! J'apprendrai plus tard qu'il s'agit d'une décharge et que des Manouches y vivent. Quelle misère sociale... Et pourtant il existe tant d'aides...

Désolée de vous plomber encore le moral. Peut-être que la prochaine fois j'aurai une mission avec le gratin parisien, who knows ? mais quelque chose me dit que même chez eux ce ne doit pas être reluisant.

Mais il y a de belles choses en ce bas monde, et il faut en parler aussi... Aujourd'hui je me suis promenée avec des amis dans la forêt de Saint Germain-en-Laye, d'où on peut voir Paris et la Défense au loin, où les enfants ont les joues roses et les yeux brillants. Chose incroyable, le soleil brillait aussi !
Au retour, une chèvre que j'étais allée voir de plus près (j'adore les chèvres, elles sont si douces et si vives, et leurs pupilles rectangulaires me fascinent) m'a piqué les lierres que j'avais cueillis pour faire des plantations, j'ai bien cru qu'elle allait quitter son box pour me suivre !

Demain je reprendrai le RER D pour une semaine encore. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui le font tous les jours, dans quelque sens que ce soit... mais quelle vie ils ont ! Ne peut-on pas trouver des métiers qui n'obligent pas ce temps perdu ?

Sur ce, à plus !

mercredi 13 janvier 2010

Excel-lente Année !




Excel vous simplifie la vie... malgré vous


Connaissez-vous Excel ? Bien sûr, qui ne le connaît pas ! C'est ce sublime logiciel sans lequel plus rien sur terre ne pourrait exister : on y met des nombres dans un tableau, c'est vous dire son importance. Bon là je schématise à l'extrême, en fait, c'est beaucoup plus subtil : il y a de grands tableaux constitués de petites cellules, qui sont très sensibles, et drôlement futées car on peut les sélectionner et créer des fonctions, ouaip des fonctions (pourcentages, moyennes, etc), ce qui nous fait gagner beaucoup de temps, parce qu'on n'est plus obligés de faire chaque opération à la calculette comme au bon vieux temps de la Casio.

Enfin, ça c'est en théorie. Parce qu'en pratique, combien de gens savent programmer ces maudites fonctions ? Moi, si on me le fait devant moi, je peux les reproduire tout de suite après, mais le lendemain, pfuiit ! je n'ai plus aucune idée de ce qu'il faut faire... Comme disent les enfants avec fatalisme, écartant leurs petits bras et leurs petites mains, quand quelque chose a disparu : ''A p'u !'' Ben c'est pareil pour moi : ''A p'u Excel'', -disparu, envolé. C'est quelque chose qui se pratique, ça ne se fait pas comme ça... Alors exceller en Excel, je vous raconte pas la gageure. Faut s'y mettre, et pratiquer jusqu'à plus soif... soif de chiffres et de colonnes s'entend, de cliquer-droit, dans le bon menu, - donc jusqu'à plus faim aussi !

Et vous savez quoi, c'est devenu normal de maîtriser Excel; maintenant, tout le monde doit savoir faire ça. Cette compétence n'est même pas reconnue ! J'en sais quelque chose, je l'ai testé ! Éh oui, j'ai essuyé ce matin-même l'humiliation du rejet du monde de l'Excel-ence. Mais il faut d'abord que je fasse la reconstitution des faits...Commençons par le commencement.

08/01/10
Interim et pic et pic et colegram


Il y a quelques jours, je me suis dit que pour montrer ma bonne volonté, et sortir de chez moi plus souvent (le chercheur d'emploi est un chasseur solitaire), j'allais faire de l'interim; ça me permettrait d'en apprendre plus sur le fonctionnement de l'entreprise. Donc je me suis allée m'inscrire dans un agence d'interim de secrétariat, où d'abord la dame, quand elle a vu mon CV sur-diplômé, n'a pas compris ce que je faisais là.
Moi j'ai dit : ''Je suis pleine de compétences dont personne ne veut et en attendant je veux m'occuper pour avoir d'autres compétences, sortir de chez moi, voir du monde, et accessoirement gagner des sous ''. J'ai pas dit ça comme ça, parce que je suis pleine d'affection pour moi-même, - plus communément appelé ''amour-propre'', et parce qu'allez savoir pourquoi, il est quasiment toujours incorrect en société de dire les choses telles qu'elles sont.
Mais je pense qu'elle a compris quand même le message parce qu'elle m'a répondu : ''D'accord, je vais voir ce qu'on peut faire''.

Mots dits sur Word


J'ai alors été soumise à un test de correction orthographique et de mise en page sur Word (pour les non-anglophones acharnés et fiers de l'être,- oui Maman je pense à toi !-, ça veut dire ''Mot'', et c'est un logiciel de traitement de texte; ils sont pas très imaginatifs les créateurs de logiciels... en même temps, ''Word'' c'est le génie de la simplicité). Le tout minuté. Il fallait faire 10 minutes. Moi j'en ai mis 20...pas fameux, mais c'était juste !
Il faut dire que j'ai mis du temps à comprendre le sens du texte : elles étaient fausses leurs erreurs,- vous voyez ce que je veux dire ? Je m'explique : moi j'ai l'habitude des vraies erreurs des élèves, qui sont des erreurs souvent très logiques, là c'était juste bête.
Je vous donne un exemple à peine exagéré: ''Jeu vous remercit de votre acceuil bien veillant de ce matein''(Sic).

Mac le faux Maquereau


Et il faut dire aussi à ma décharge qu'on m'a mise sur Word sur PC, alors que moi j'utilise OpenOffice (''Bureau Ouvert'', sympa non ? Tout de suite, ça donne envie d'y entrer) sur Mac. Mais bon Word, ça va, c'est des mots, gentils les mots. Pas de fonctions compliquées. Et puis c'est rigolo les mots... Quand une femme dit : ''J'ai un Mac'', il y a toujours certains non-initiés pour tiquer en se demandant vaguement ce qu'il est en de la moralité de la sus-dite femme... - Ce qui me fait toujours penser à la réplique d'Orgon dans Tartuffe qui nous faisait nous poiler immanquablement lors de nos répétitions : Hors sus ma fille, dénichons de séant !- Lisez-la à voix haute, vous comprendrez... - D'accord c'est pas très raffiné, mais on rigole comme on peut, attendez voir la suite, digne de Crimes et châtiments, ou Marie Chapdelaine, - parce qu'il neige dans ces romans comme en ce moment à Paris, et que leurs personnages ont plein de malheurs, comme moi !- Ok c'est du pur égocentrisme d'auteur, c'est vrai, mais c'est comme ça, vous avez qu'à écrire si vous préférez parler de vous ! Mais comme le dit si bien Hugo : Ah ! Insensé qui crois que je ne suis pas toi ! Il est trop fort ce Hugo pour trouver des sentences pareilles... Cela dit, je sais pas si ma souffrance de ce matin va vous parler à vous, mais bon, c'est parti.

13/01/2010
8:30-Auchan : Excel m'a tuer


Donc ce matin, j'arrive à Auchan, -un Auchan en construction pour être précise, pour faire 3 jours de saisie Excel, avec programmation, j'avais été prévenue; mais moi avec une rémunération au SMIC, je pensais pas qu'on allait me demander des trucs trop compliqués, je m'étais un peu entraînée la veille, histoire de me dérouiller. Erreur ! La chargée de recrutement voulait que je fasse apparaître des pourcentages sur...1300 candidatures !! -Combien avaient été contactés au téléphone, combien devaient être recontactés, avec des croix, j'en passe et des meilleures. En plus, il fallait tout vérifier dans les dossiers papier car rien n'avait été fait dans l'ordre au début...Personne ne pouvait me montrer par où commencer pour programmer les fonctions. Bref, j'ai dû décliner. On n'avait rien d'autre à me faire faire. Je suis rentrée bredouille. Excel m'a tuer... Mais la prochaine fois, je l'aurai ! Je me suis promise intérieurement de le potasser avec un livre du genre ''Excel pour les Nuls'', - collection qui a eu le nez fin en marketing : on se sent nul tellement facilement quand on ne maîtrise pas quelque chose...

9:30-Misère dans le Métro


Puis, sur le chemin du retour, dans le métro, j'étais perdue dans mes pensées, ruminant ma défaite sur ce logiciel qui avait mis en échec ma première mission d'interim, quand une pauvre femme grimée comme au cirque, avec du rose à joues rose vif, et des sourcils charbonneux, âgée, s'est mise à genoux juste devant moi, disant qu'elle avait faim. Instinctivement, je l'ai prise par le bras pour la relever, mais elle est restée agenouillée. Deux autres personnes et moi lui avons donné une pièce. Hors du tram, je lui ai proposé mes deux mandarines qu'elle a acceptées; nous nous sommes parlées. Elle m'a dit qu'elle était en foyer d'accueil la nuit, mais que le jour elle ne savait où aller, et que la nourriture qu'on distribuait aux Restos du Coeur était avariée et l'avait rendue malade. Était-ce la vérité ? Je n'en sais rien. Mais en me parlant, elle ressemblait à nouveau à un être humain, en tellement fragile, et plus à ce tas inerte agenouillé, image extrême, insupportable, de notre propre impuissance à l'aider à garder sa dignité.

10:00-Austerlitz : Il neige sur des hommes


Puis à la gare d'Austerlitz, j'ai vu des gens enveloppés dans des couvertures sur des bouches de métro, entourés de neige. Je suis passée à côté d'eux, -que pouvais-je faire d'autre ? Mais quel est ce monde dans lequel nous vivons ? Que pouvons-nous faire pour eux, nous qui sommes au chaud et mangeons à notre faim, -tiraillés uniquement par notre âme, trop exigeante sans doute ? Hier dans ma rue, en plein 11ème, j'ai vu trois personnes fouiller dans des poubelles. 3 personnes en 100 mètres...- je n'ai pas besoin de faire des statistiques sur Excel pour savoir que cela doit faire beaucoup au total. Chacun ne peut-il pas simplement avoir une place dans la société ? Pourquoi cela doit-il être si compliqué ? À quoi sert donc l'accroissement exponentiel de nos richesses ?

2010-Bonne Année quand même


Et puis pour finir comme un cheveu sur la soupe : Bonne année 2010 !
Oui, bonne année quand même, bonne année vraiment, sur cette terre imparfaite, et pourtant belle malgré tous les maux qui l'affligent, pardonnez-moi si j'énonce un lieu commun sur … notre lieu commun. Liés que nous sommes par l'énergie de la vie, je veux croire que nous pouvons l'améliorer un tout petit peu, à notre niveau, d'une façon ou d'une autre, pour qu'il soit plus doux d'y vivre. Ayons un rêve, un doux rêve, un rêve ambitieux aussi, puisque c'est ainsi que tout commence. Puis quand il s'est formé dans notre esprit, poursuivons-le, traquons-le, et enfin fabriquons-le, et peut-être qu'alors il nous ressemblera puisque, comme le dit Shakespeare : Nous sommes faits de l'étoffe des rêves.

À plus !